Revue de presse

Colonialisme. "Un credo pour les antiracistes" (Libération, 30 juin 16)

5 juillet 2016

"Depuis les années 2000, une génération d’activistes trace un lien entre colonies d’hier et banlieues d’aujourd’hui. Un racisme néocolonial ?

Antiracistes, afroféministes, en partie issus de l’immigration, ils ont lu le psychiatre martiniquais Frantz Fanon ou l’intellectuel palestino-américain Edward W. Said, auteur de l’Orientalisme : l’Orient inventé par l’Occident (1978). Le postcolonial a nourri - au risque parfois de l’indigestion - toute une génération militante émergée dans les années 2000.

Stigmates. La question coloniale est pour eux devenu un prisme d’analyse du présent. La loi interdisant les signes religieux à l’école et la bataille engagée par les féministes « universalistes » contre le voile ? Cette conviction de « sauver » la femme indigène est une attitude héritée du passé impérial de la France, aux yeuxdu Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF). La performance Exibit B, voilà deux ans, dans laquelle l’artiste sud-africain (blanc) Brett Bailey mettait en cage des figurants noirs pour évoquer - et dénoncer - les « zoos humains » ? Du pur racisme néocolonial, selon la Brigade antinégrophobie. Certains militants ne se contentent plus de traquer les traces du passé colonial dans nos manières de voir l’immigré ou le musulman. Ils tracent une continuité entre l’Etat colonial d’alors et l’Etat français d’aujourd’hui, entre les colonies et les banlieues.

Dans toutes ces polémiques, une même question cruciale revient : peut-on se battre pour les femmes voilées à leur place ? Peut-on parler des descendants de colonisés sans en être un soi-même ? Ou est-ce, justement, une attitude paternaliste et très « coloniale » ? Les militants du Parti des indigènes de la république (PIR) contestent ainsi la légitimité de l’historien Pascal Blanchard ou du sociologue Eric Fassin : en tant que Blancs, ils se seraient emparés du postcolonial, l’auraient débarrassé de sa radicalité et de fait rendu « acceptable ». « Ils sont autre chose que les traducteurs blancs de la pensée et de la condition indigène. Ils sont avant tout et surtout les gardiens du temple », écrivait Houria Bouteldja, la porte-parole du PIR, en 2011. Stigmatisés par la presse et les intellectuels, ces militants se sont radicalisés. « Ils ont retourné le stigmate de la couleur de peau contre leurs adversaires, regrette l’historien postcolonial Nicolas Bancel. Ils essentialisent à leur tour les Blancs, ce qui est dangereux. » La polémique a tout récemment rebondi avec le lancement par deux militantes antiracistes et afroféministes, Sihame Assbague et Fania Noël, d’un « camp d’été décolonial » dont l’accès est réservé « aux personnes subissant à titre personnel le racisme d’Etat ».

Pandore. Ceux qui craignaient qu’ouvrir la boîte de Pandore postcoloniale ravive les haines verront dans ces débats très vifs la concrétisation de leurs inquiétudes. On peut aussi considérer que ces crispations montrent à quel point « les colonies ont planté leur tente dans l’ancienne métropole », comme le dit Nicolas Bancel, et qu’il est vain pour une ancienne puissance impériale de s’aveugler."

Lire "Un credo pour les antiracistes".



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