Tribune libre

Politiquement correct, le rap (Yves Agnès)

Yves Agnès, ancien rédacteur en chef au "Monde", ancien directeur du Centre de formation des journalistes (CFJ). 8 octobre 2018

Extrait de Yves Agnès, "Le poison du politiquement correct" (2017) [1].

"Rap

C’est une affaire entendue. Les dictionnaires l’affirment et celui de l’Académie aussi (neuvième édition, 2012) : le rap est un « genre musical populaire », dont l’appellation est dérivée du verbe argotique anglais (Etats-Unis) to rap, « parler, bavarder »… « Né à la fin des années 1970 dans les communautés noires des Etats-Unis, il fait entendre, sur un fonds musical très rythmé où se mêlent des sons de nature diverse, des textes au contenu revendicatif et qui sont scandés plutôt que chantés ». De la musique ? Le politiquement correct – il s’agit de culture « black » – va donc se loger sous la Coupole, dans l’esprit brillant des Immortels ? Les médias, toujours à la pointe quand il s’agit de proposer au public une culture qui aiguise l’esprit, en ont fait l’un des musts de leurs émissions…

Le fonds musical se réduit pourtant la plupart du temps à deux notes, le rythme est d’une extrême simplicité et répétitif à l’envi, et le langage y est effectivement scandé. Mutatis mutandis, ce parler (parfois cru) rappelle avec étrangeté les réfectoires des monastères d’autrefois, lorsqu’un lecteur essayait de capter l’attention des convives par un texte, profane ou non, prononcé recto tono, sur une seule note. A la différence près que personne n’aurait eu l’idée d’appeler « musique » cette pratique, le vocable étant réservé en ces lieux au chant grégorien et à l’orgue, où pouvaient aussi se jouer les pièces des grands maîtres. Enfoncés, les yé-yé des sixties. Ecrabouillée, la disco des eighties…

Pour prétendre être musicien, ne faut-il pas des années d’efforts, de travail assidu, de lentes maturations, pour être à même de composer ses œuvres ou d’interpréter avec justesse celles des grands du répertoire classique, du jazz, de la chanson ? La musique trouve-t-elle son compte dans cette école de la facilité et de la paresse ? Qu’en pensent Wolfgang Amadeus (Mozart), Jean-Sébastien (Bach), Antonio (Vivaldi), Louis (Armstrong), Sidney (Bechet), Charlie « Bird » (Parker), Charles (Trenet), Georges (Brassens) et tous les autres… ?

En attendant qu’ils répondent, souhaitons à nos artistes en quête de notoriété de réduire encore la musicalité de leurs compositions à une seule note et de ne pas aller au-delà d’un rythme disco solidement monotone. Quant aux journalistes spécialisés, suggérons-leur de créer pour le rap une rubrique particulière, par exemple « son sans lumière »..."

[1Publié notamment dans la revue "[im]Pertinences" (Académie de l’éthique) : "Le poison du politiquement correct - Catéchisme du savoir vivre et penser" (note du CLR).



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