Revue de presse

"Philippe de Villiers chez les Macron : un dîner presque parfait" (lepoint.fr , 7 av. 21)

7 avril 2021

[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

Philippe de Villiers, Le Jour d’après, éd. Albin Michel, avril 2021, 224 p., 19 e.

"[...] En attendant l’arrivée du chef de l’État, son épouse, Brigitte Macron, glisse à l’oreille de leur invité : « Parlez-lui franchement. Il lui manque des chiens d’avalanche. Il le sait et s’en désole. »

Homme de convictions, de combats et de verbe, le Vendéen ne va pas laisser passer telle invitation. Lois de bioéthique, islamisme, colonisation… À mesure que la conversation roule, l’atmosphère se tend. Villiers se lâche. « C’est l’avantage de ces couples modernes où on peut casser la vaisselle et la réparer dans la même soirée, commente-t-il. Ils sont souples, ce n’est pas le verre de lampe de l’ancien temps. Alors, je me jette à l’eau, je vais à l’abordage. » Le chef de droite cogne. « Il ne tient pas l’échange, note-t-il à propos du président. Il a un drôle de regard, il est halluciné - enfin un peu plus qu’à l’ordinaire. Il me donne l’impression physique d’un jeune homme qui n’est pas fini. » Villiers avance ses arguments, provoque, cherche la bagarre. « Emmanuel, si vous me permettez, vous êtes le Charles Martel du pauvre, qui part avec une épée en carbone bénir la mosquée de Poitiers […]. Vous êtes le chef des dhimmis… Vous êtes houellebecquisé jusqu’à l’os. » L’invité pousse Emmanuel Macron dans ses retranchements. Jusqu’à déclencher sa colère. Jusqu’à mettre à jour, assure-t-il, des points de désaccords au sein du couple - comme dans la plupart des familles sur des sujets aussi clivants. « J’ai compris, ce soir, le fameux "en même temps", écrit Philippe de Villiers. En fait, c’est elle et lui. En même temps elle et lui. Elle est à tribord, plutôt classique, un brin conservatrice, elle vient du théâtre de province. Elle penche à droite. Lui est un éclectique, un parieur de l’instant, il vient du numérique. Il penche à gauche. »

Extrait

"En attendant qu’Emmanuel nous rejoigne, Brigitte et moi, nous devisons sur les humeurs du temps… Elle me glisse :
- Parlez-lui franchement. Il lui manque des capteurs. Il le sait et s’en désole.
Elle me confie que, tous les deux, ils ne pensaient pas que ce serait si dur… Elle paraît détendue certes, mais soucieuse pour « son homme ». Au bout de quelques minutes, elle me confie :
- Nous avons découvert ce que c’est que la peur physique…
- Ici, à l’Élysée ?
- Non, à la Lanterne, à Versailles. Surtout, le week-end du 24 novembre dernier [2018]. Il y a eu une indiscrétion, les Gilets jaunes ont voulu marcher vers nous pour ramener le « petit Mitron »…
Les confidences s’arrêteront là. Car le « petit Mitron » arrive. […] Il a quelques traces de ronds-points sur le visage - les premières rides -, le creux des yeux soucieux d’un jeune homme qui découvre la haute mer. […]
Sur la table, comme promis, la mer est déjà là. Le service a déposé un magnifique plateau décoré d’« algues naines », orné de pinces de crabe impressionnantes. […] Je me laisse aller - c’est plus fort que moi - à une petite espièglerie métaphorique sur les crustacés :
- Voilà bien ce qui vous manque : des gros crabes bien pleins, des Charasse, des Ponia, des Pasqua… Autre chose que les fretins d’En marche. On ne traverse pas la mer Rouge avec des crevettes roses…
Emmanuel a le fou rire. Ah, si Castaner nous entendait ! Brigitte glousse. Elle lui dit tous les jours qu’il n’a ni truffiers ni chiens d’avalanche.
[…]
J’essaie de prendre de la hauteur et d’aller au fond des choses :
- Pourquoi cette boulimie de réformes ? Vouloir tout changer tout le temps ?
- Parce que la France en a besoin. Je ne suis pas là pour faire du cabotage…
- Emmanuel, vous vous trompez, la France a besoin de respirer, elle est profondément troublée. Il ne faut pas déstabiliser la société, vous tirez trop fort sur les ancres… Regardez votre taxe carbone, le mur d’incompréhension entre les « fins de mois » et les « fins du monde ». Vos prédécesseurs ont liquidé la classe ouvrière, avec la fameuse mondialisation heureuse. À vouloir tout changer en même temps, vous faites trembler les murs porteurs…
- C’est une question de justice…
- De justice ?
- Oui… entre les couples… entre les Français… les manières d’aimer…
- La France, c’est pas un self. Ni un laboratoire d’expériences. On n’est pas des cochons d’Inde. Votre job, comme vous dites, c’est la main de justice, c’est la justice entre les débiteurs et les créanciers, la justice du temps long. Si on perd la filiation, on perd l’histoire… Un homme sans histoire devient fou… Pour une vieille nation comme la nôtre, c’est une infirmité supplémentaire, elle n’en a pas besoin…
[…] Emmanuel sent que Brigitte est plutôt sur ma ligne. Cela le met hors de lui. Je lis dans leurs yeux un semblant de coup de vent qui monte. Elle ne s’en laisse pas conter et s’impatiente. Elle veut intervenir et, d’un doigt levé, presse son mari qui lui fait signe de garder pour elle ses réflexions. Alors elle fend la lame :
- Emmanuel, il faut qu’on ait le droit, quand même, de ne pas être toujours d’accord…
- De ne pas être d’accord sur quoi ?
- Sur tous les projets en cours. J’écoute Philippe, je pense qu’il pourrait avoir raison. Ce n’est peut-être pas le moment d’infliger un nouveau traumatisme… Il y a déjà le grand débat national… Toutes ces questions sociétales sont à incidence multiple.
Brigitte se tourne vers moi et renchérit :
- Vous savez, Philippe, moi, je viens d’une famille où on n’aime pas trop bousculer l’esprit public, la quiétude provinciale… Je sens bien ce que vous voulez dire… Ce sont des sujets tellement compliqués…
Emmanuel est ulcéré. Le coq a le dessous. Il se braque, il perd ses nerfs. […]D’un bond, il se lève, il va quitter la table… Il a déjà repoussé sa chaise en arrière d’un coup de genou.
Il croise mon regard effaré. Alors c’était donc cela, le droit de tout se dire ? La PMA et la GPA sont des sujets tabous ! C’est comme l’affaire Dreyfus… « Ils en ont parlé… » Voilà un président qui ne supporte pas d’être contredit par son épouse qui lui tient tête. Il va s’en aller ? Je repense à la chaise vide de Giscard : « Au revoir… » Il sent le pas de côté. Doucement, la chaussure tourne, il revient. Son intuition le ramène à la table. Brigitte lui adresse un sourire enjôleur :
- Emmanuel… de grâce… […] Il reprend sa serviette, retrouve ses esprits, sans doute mal à l’aise à l’idée que je puisse rapporter cette scène de ménage à l’extérieur. Je le rassure en fermant les yeux, comme un vieux chanoine oublieux : c’est tellement énorme que personne ne me croirait…"

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