Note de lecture

N. de Saint Phalle - Violée à 11 ans par son père (S. Mayol)

par Samuel Mayol. 11 septembre 2022

[Les échos "Culture" sont publiés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

Niki de Saint Phalle, Mon secret, éd. La Différence, 1994 rééd. 2010, 32 p., 20 €.

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Je viens de lire le terrible livre de Niki de Saint Phalle Mon secret. Le viol dont elle a été victime à l’âge de 11 ans lui fait dire dans ce livre « Ce viol me rendit à jamais solidaire de tous ceux que la société et la loi excluent et écrasent. »

À 62 ans, une femme trouve enfin la force de faire sortir le secret qu’elle porte en elle depuis plus de cinquante ans : le viol que lui a infligé son père alors qu’elle était âgée d’onze ans.

Le texte a la forme d’une lettre à sa fille Laura. Il se lit en quelques minutes. Il est poignant. Et essentiel pour tous ceux qui s’intéressent à l’œuvre de son auteur, Niki de Saint Phalle.

Elle raconte, qu’au cours d’un été, son père avait glissé sa main dans sa culotte « comme ces hommes infâmes dans les cinémas qui guettent les petites filles. » Son père n’en restera pas là...

Niki tente de comprendre les raisons qui ont poussé son père à commettre ce geste. « Il existe dans le cœur humain un désir de tout détruire. Détruire c’est affirmer qu’on existe envers et contre tout. Mon père m’aimait, mais ni cet amour, ni la Religion Archi Catholique de son enfance, ni la morale, ni ma mère, rien n’était assez fort pour l’empêcher de briser l’INTERDIT. » Plus loin dans le texte, elle évoque également les hommes mal dans leur peau qui manquent selon elle d’imagination pour trouver de réelles solutions à leur mal-être : « Mon Père, secrètement, devait étouffer dans sa vie mais il manquait du courage d’une vraie révolte. La petite fille que j’étais sera la seule victime de sa lamentable rébellion. »

« Solitude. On est très seule avec un secret pareil. Je pris l’habitude de survivre et d’assumer. »

Niki fait très bien comprendre combien, dans la culture de l’époque, il était difficile de parler de telles agressions. Néanmoins, ce secret était trop lourd pour rester enfermé. Niki l’a extériorisé en se mortifiant (elle raconte qu’elle s’est tant mordu la lèvre qu’elle a dû, plus tard, recourir à une chirurgie réparatrice). Elle l’a également extériorisé par des attitudes rebelles, elle a tenté de se faire aider par des psychiatres, mais elle n’a pu échapper à l’hôpital psychiatrique, à l’âge de 22 ans.

Suite à cela, un vendredi, elle reçoit une lettre de confession de son père. Elle en fera des migraines chaque vendredi pendant deux ans... Mais son psychiatre brûle la lettre : « Votre Père est fou. Rien ne s’est passé. Il invente. La chose est impossible. Un homme de son milieu et de son éducation Religieuse ne fait pas cela. »

Le psychiatre a tout de même écrit au père pour lui conseiller de soigner ses fantasmes.

Plus tard, la mère de Niki découvrira cette lettre mais elle ne lui en parlera que dix ans plus tard, l’année où Niki réalisera le terrible film Daddy pour tenter d’exorciser son secret (mais le film l’entraînera plutôt dans la dépression) ; sa mère sera une des rares personnes à la soutenir...

Niki aurait pu être anéantie par les actes malveillants de son père. Mais elle est parvenue à surmonter l’épreuve.

D’une part, c’est à l’hôpital psychiatrique qu’elle s’est lancée avec acharnement dans la peinture.

D’autre part, et c’est remarquable, elle a développé une incroyable bienveillance.

D’abord envers son père, emporté par une crise cardiaque à l’âge de 60 ans, en 1967 : « La mort subite de mon Père, sans que nous nous soyons réconciliés, fut pour moi un énorme choc. »

Puis, apprenant que les violeurs étaient souvent d’anciens violés : « A ces pensées, la rage en moi cède la place à la pitié pour tous les êtres humains. » Ou encore : « Ce viol me rendit à jamais solidaire de tous ceux que la société et la loi excluent et écrasent. » Elle termine cette lettre à sa fille par ce post-scriptum : « La prison n’est pas la solution ! ».

Ce livre est riche d’autres beaux paragraphes, que je vous laisse découvrir vous-mêmes.

Grand format d’une quarantaine de page, il se lit en quelques minutes, comme une longue lettre.

Mais nul doute qu’il marque l’esprit pour une période bien plus longue.

Samuel Mayol


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