Revue de presse

"Les leçons d’un réveillon en Europe" (C. Habib, lemonde.fr , 30 jan. 16)

par Claude Habib, essayiste et professeur de littérature à la Sorbonne Nouvelle. 1er février 2016

"[...] La seule simultanéité, c’est la date du réveillon qui a jeté dans les rues des foules composites, et mis en présence des peuples pour qui la signification de la mixité n’est pas la même.

Il faut souligner la faible présence de réfugiés syriens parmi les interpellés. Ceux qui ont connu la Syrie avant la guerre savent qu’on y voyait des femmes non voilées et des filles en minijupes, c’est-à-dire des chrétiennes. Les populations savaient cohabiter.

Pour les jeunes fraîchement arrivés du Maghreb, cette cœxistence est inconnue, et il n’y a pas besoin de concertation pour profiter d’une si extraordinaire aubaine : des jeunes femmes, de nuit, sans défense. Pour la plupart des musulmans du Pakistan ou du Maghreb, une femme dehors de nuit est une prostituée. Une femme maquillée est une provocation sexuelle. Une femme non voilée se désigne comme proie.

Habituées de plus longue date que les Allemandes au contact des Maghrébins, les Françaises ont appris à faire profil bas, notamment à troquer la jupe contre le pantalon quand elles doivent traverser des espaces où les musulmans sont majoritaires. Les territoires perdus de la République furent d’abord des territoires perdus pour les femmes, tout un réseau de rues et de places non mixtes, même de jour, et des cafés dont nulle cliente n’ose jamais pousser la porte. Ceux qui découvrent avec " stupeur " le déchaînement des attouchements et des viols qui a marqué la nuit de la Saint-Sylvestre auraient pu se demander comment, en France, des espaces s’étaient progressivement vidés de celles qui auparavant y vivaient librement. La réponse est simple : par le même cocktail d’intimidation et de harcèlement, mais peu à peu, à bas bruit, et surtout sans qu’on le signale. Car c’est le contraire qui captait l’attention.

Quand des jeunes des cités se voyaient interdire l’entrée en boîte de nuit, la presse a toujours accusé la stigmatisation de la jeunesse : on ne s’est guère interrogé sur les raisons qui poussaient les tenanciers à se priver d’une clientèle. La consigne de ne pas désespérer Billancourt fut relayée par celle de ne pas offenser le 9-3. Les femmes y ont perdu de leur liberté de mouvement et de leur assurance, dans l’indifférence générale. L’enfer de ce renfermement fut pavé de bonnes intentions.

La sous-information au sujet des violences subies par les femmes est la seule excuse de ceux qui découvrent aujourd’hui le problème. La politique de l’autruche n’est d’ailleurs pas une spécificité française. La police suédoise, confrontée aux mêmes conduites et aux mêmes crimes, dès avant la nuit du 31 décembre, avait pris le parti de dissimuler les faits, comme a tenté de le faire la police de Cologne.

Tous les responsables – intellectuels et journalistes, policiers et magistrats – ont constamment minimisé les " incidents ", tétanisés par la peur de réactions racistes, qui du reste existent bel et bien, comme l’ont prouvé les manifestations néonazies de Dortmund. Que faire ?

Il paraît inutile d’entonner la rengaine de l’éducation : en France, où les populations maghrébines sont installées de longue date, et donc exposées au système éducatif commun, l’hostilité à la mixité est intacte. Elle ne l’est pas seulement chez les islamistes. Chez l’épicier arabe, le sympathique Djerbien ouvert tard le soir, on ne voit dans la boutique que le patron, ses frères ou ses cousins. Il n’y a pas d’épicière à la caisse. Fort heureusement, quelques individus peuvent s’émanciper des lois de l’appartenance, mais globalement le monde musulman juge que les femmes doivent être respectées, et pour cette raison soustraites aux regards. Nous jugeons que les femmes sont libres, et qu’elles font ce qu’elles veulent de leur corps. [...]

Et puisque l’éducation est visiblement impuissante à modifier les mœurs, il faut au moins que l’information soit attentive et impartiale, ce qu’elle n’a pas été jusqu’ici ; il faut aussi qu’une répression systématique et proportionnée sanctionne les divers manquements que les jeunes femmes ont à subir et qui ne sont pas près de cesser. Notre tâche collective est de contenir, le plus humainement possible, la brutalité à laquelle elles sont et seront confrontées."

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