Revue de presse

"Laïcité, trente ans de démissions" (E. Conan, Marianne, 27 juin 14)

28 juin 2014

"Il y a urgence ! Les politiques se sont trop longtemps défaussés sur les juges, comme le montre l’interminable feuilleton Baby-Loup, désormais entre les mains de la justice européenne. "Marianne" publie un appel d’intellectuels, de politiques et d’acteurs de la société civile. Pour renouer avec la tradition républicaine.

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L’appel que publie Marianne est inédit. La diversité politique et la qualité de ses signataires - anciens ministres, intellectuels, acteurs du monde scolaire et de la société civile, dont beaucoup se côtoient pour la première fois autour d’un texte commun - atteste d’une prise de conscience et d’une urgence.

"Laïcité, il est temps de se ressaisir !" est né d’un double constat : la progression de la fracturation identitaire et religieuse et le renoncement croissant aux principes laïcs qui permettraient d’y faire face. [...]

François Hollande, qui, dans l’affaire Baby Loup, s’était engagé à légiférer, charge l’Observatoire de la laïcité d’une "étude sur l’extension de la loi sur les signes ostentatoires", lequel conclut négativement [1]. Il y eut ensuite l’épisode du rapport Tuot, "La grande nation. Pour une société inclusive", remis en février 2013 [2], et des cinq rapports qui l’ont suivi, fin 2013, pour une "refonte de la politique d’intégration", commandés et salués par Jean-Marc Ayrault [3]. Rapports prônant la fin d’une intégration jugée répressive, car demandant aux nouveaux venus de s’adapter aux règles laïques du pays d’accueil, au profit d’une nouvelle notion, l’ "inclusion", réclamant aux accueillants d’accepter les moeurs des nouveaux venus, ce qui implique "la suppression des dispositions légales et réglementaires scolaires discriminatoires, concernant notamment le voile". Ces rapports, dénoncés comme "dangereux" par Manuel Valls, provoquèrent de telles réactions qu’ils furent illico passés à la trappe, sans aucun débat. Ils révélaient pourtant qu’il y avait, sur la laïcité, une gauche Badinter et une gauche Bianco, une gauche Comité laïcité République et une gauche Terra Nova, ce think tank multiculturaliste qui plaide pour une "citoyenneté musulmane". [...]

Après avoir répété qu’ "il n’y a pas autant de soucis que cela autour de la laïcité", [Jean-Louis Bianco, président de l’Observatoire de la laïcité] se dit hostile à l"idée d’une loi défendue par Manuel Valls dans l’affaire Baby Loup, estimant qu’ "un débat législatif risque d’être dangereux". Pourquoi ? Parce que "ce que l’on constate, c’est un développement du communautarisme" et que "notre pays est terriblement tendu, il y a de l’agressivité, du désespoir et de la haine." Donc, cela va mal : alors disons que cela va bien, et surtout n’en débattons pas ! [...]

La gauche continue à préférer se défausser sur les tribunaux. Or, ce n’est pas au juges mais aux politiques de définir les règles du vivre-ensemble dans ce domaine devenu sensible des prétentions du religieux. Les politiques laissant les magistrats se dépatouilier avec le problème, ce sont les magistrats qui font de la politique : aussi divisés que la gauche sur ce sujet, il y a chez les juges des partisans de la laïcité (ou du simple bon sens) et d’autres qui n’en veulent plus (ou qui ne la comprennent pas). Les uns et les autres trouvent sans difficulté les arguments juridiques justifiant leurs positions contraires. D’où une vraie loterie judiciaire aboutissant souvent à des décisions - bonnes ou mauvaises - reposant sur des raisonnements juridiques contradictoires et parfois baroques [4]. [...]

Ces oscillations de subjectivité juridique, d’un juge à l’autre, d’un tribunal à l’autre et d’un département à l’autre, entretiennent la confusion, contribuent à la perte des repères et offrent autant d’occasions de surenchère aux intégristes qui intimident de plus en plus. [...]

Nombre de signataires des deux initiatives laïques d’aujourd’hui partagent l’inquiétude que, au terme de ces décennies de confusion communes à la droite et à la gauche, le sens profond de cette "tradition moderne" soit perdu. [...] Beaucoup mêlent espoirs et interrogations à propos de Manuel Valls, dont le rapport à la laïcité a pu parfois paraître contradictoire. [...] Surtout, son récent voyage à Rome pour les canonisations des papes Jean XXIII et Jean Paul II les a surpris. Le PS, qui avait dénoncé en 2011 la présence de François Fillon à la béatification de Jean Paul II [5], s’est cette fois tu, et c’est le Comité laïcité République qui a dû rappeler qu’un Premier ministre d’une République laïque n’a rien à faire au Vatican pour une cérémonie purement religieuse [6]. [...]"


Voir aussi "Laïcité : il est temps de se ressaisir !", A la Une de Marianne : "Laïcité, pourquoi il faut se ressaisir !" (27 juin 14), "Laïcité, trente ans de démissions" (E. Conan, Marianne, 27 juin 14), "Quand profanes et religieux se mélangent à Paris" (Marianne, 27 juin 14), Signes religieux : "A l’école, les bons résultats de la loi" (Marianne, 27 juin 14), "Scandales à Birmingham" (Marianne, 27 juin 14), Bianco (Observatoire) : « Sur la laïcité, un débat législatif risque d’être très dangereux » (liberation.fr , 15 juin 14), J.-L. Bianco (Observatoire) : des "problèmes pas excessivement nombreux" (AFP, 15 mai 14), J. Glavany (PS) : "L’Observatoire de la laïcité doit se pencher sur la neutralité religieuse à l’université" (Le Monde, 11 sept. 13), J.-L. Bianco (président Observatoire de la laïcité) : "La France n’a pas de problème avec la laïcité" (La Croix, 6 déc. 13), J.-L. Bianco : "Le mardi, je m’occupe de l’Observatoire de la laïcité" (laprovence.com , 20 av. 14), Bianco (Observatoire) : « Gardons-nous de faire des lois d’émotion » (lemondedesreligions.fr , 17 av. 14), "Quand la gauche dit « adieu » aux ouvriers et employés" (marianne2.fr , 10 mai 11), "Gauche : quelle majorité électorale pour 2012 ?" (Terra Nova, 10 mai 11), "Gauche et électorat populaire : le rapport Terra Nova suscite des remous" (AFP, 13 mai 11), "Laïcité : Valls a besoin de repères, pas de Saints-Pères !" (E. Conan, marianne.net , 25 av. 14), Le Défenseur des droits "saisit le Conseil d’Etat pour clarifications" (AFP, nouvelobs.com , 9 sept. 13) (note du CLR).



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