Revue de presse

"Laïcité ou barbarie, ne rendons pas les armes" (Natacha Polony, Le Figaro, 5 déc. 15)

7 décembre 2015

"Les intégristes ont sur nous un avantage : celui, immense, que leur confère leur ancrage dans un temps long, quand nous avons définitivement choisi la cécité du court terme.

Deux informations parues cette semaine nous racontent mieux que toute grande démonstration la différence majeure entre les sociétés occidentales et cet ennemi qui les a désignées et les entraîne dans sa guerre. La première est la description dans Le Parisien des « couveuses » de l’État islamique et de la politique mise en place dans les territoires contrôlés par le califat de recrutement de futures mères qui donneront naissance aux soldats de demain. Les enfants, nous disait le journal, sont pris en main dans des « centres de loisir » où ils apprennent la haine de l’Occident et l’art de tuer les mécréants. La seconde est dans le dernier numéro de la revue Dar al-Islam, revue de propagande de l’État islamique en français, qui appelle ce mois-ci les parents musulmans à retirer leurs enfants de l’école car l’islam, « en tant que seule religion de vérité ne peut cohabiter avec cette laïcité fanatique ». L’article appelle d’ailleurs à « tuer tous ces corrupteurs » et en particulier les « professeurs qui enseignent la laïcité » et à rejoindre le califat qui a « mis en place des écoles où les programmes sont réellement islamiques, purifiés de toutes les mécréances ».

Accessoirement, il est de plus en plus difficile de prétendre que le développement d’un salafisme « quiétiste » n’aurait rien à voir avec le djihadisme. Quelle que soit la dimension psychologique, la crise existentielle qui explique le basculement dans la violence de jeunes gens sans aucune connaissance de l’islam, un constat s’impose : la détestation de la mixité, de la musique, de la liberté individuelle, l’obsession de la pureté et la dévalorisation du séculier au profit de l’au-delà, tous ces délires intégristes sont communs à la propagande de l’État islamique et à l’idéologie séparatiste développée par un salafisme qui rejette absolument nos valeurs et notre mode de vie. La frontière est pour le moins poreuse et les professionnels qui travaillent dans les centres de déradicalisation savent à quel point les jeunes qu’ils tentent de ramener à la raison sont intimement convaincus que le martyr trouvera après la mort les « rivières de miel » et les « 72 vierges » promises par le texte coranique.

Mais ces deux informations doivent surtout nous rappeler que les intégristes ont sur nous un avantage : celui, immense, que leur confère leur ancrage dans un temps long, quand nous avons définitivement choisi la cécité du court terme. La production de l’« homme nouveau », du djihadiste du futur, se conçoit sur des décennies. Et les enfants qui naissent aujourd’hui grossiront dans vingt ans les rangs des armées de mort. Au contraire, nous espérons qu’il suffira de quelques discours moralisateurs et d’un drapeau bleu-blanc-rouge redécouvert pendant quelques semaines pour balayer au plus vite ce méchant cauchemar.

Nous oublions que ce sont des décennies qui ont préparé, chez nous, une école dans laquelle 857 élèves peuvent être identifiés comme « radicalisés ». 857 élèves osant affirmer explicitement leur haine de tout ce que nous sommes. Des décennies pour désarmer une société adossée à des siècles de civilisations. Les islamistes nous désignent d’ailleurs leur ennemi, ce qu’ils veulent détruire à tout prix parce que c’est le plus sûr moyen d’assécher leur recrutement : cette laïcité que certains leur abandonnent si volontiers en la qualifiant avec la complaisance des lâches de « totalitarisme laïcard ». Cette laïcité qui permet la transmission de savoirs universels et émancipateurs et qui fait de chaque enfant, d’où qu’il vienne et quelle que soit sa religion, un futur citoyen.

Le temps long qu’il nous faut nous réapproprier, c’est celui qui ne voit pas dans l’école un outil purement utilitaire pour la formation de gentils consommateurs producteurs épanouis mais le creuset d’une nation d’hommes libres, réunis par une mémoire commune. Des jeunes gens non pas soumis à leurs pulsions et capables de tirer à la kalachnikov comme ils actionnent la manette de la console de jeu vidéo mais entraînés à l’empathie par la fréquentation dans les textes littéraires de l’humanité dans sa diversité et sa complexité. Des jeunes gens non pas soumis à l’obscurantisme des opinions et des croyances mais éclairés par le savoir et l’appétit de connaissance. Oui, l’État islamique nous désigne son ennemi, celui qui l’empêcherait d’étendre son influence mortifère, et c’est cette école qui prépare l’avenir en perpétuant la civilisation. Cette école que nous avons démontée pierre par pierre. Les djihadistes peuvent dormir tranquilles et activer leurs couveuses. Nous avons organisé le désarmement."

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