Comité Laïcité République Lorraine

“La laïcité et la loi de 1905” (Metz et Nancy, 25 et 26 nov. 05) : intervention de Kébir Jbil (Mouvement des Maghrébins laïques de France)

2005

« Rapports intimes entre les maghrébins et la laïcité »

En cette année de célébration du centenaire de la loi de séparation des Eglises et de l’Etat, la France a connu des tourments que l’on peut promptement qualifier de tentatives de déstabilisation de ses fondements. Plus précisément, ce n’est pas le contenant France qui est la cible, mais bien le contenu Républicain, Démocratique et Laïque qui fonde notre pays.

Bien entendu, les dernières émeutes qui ont coûté la vie à plusieurs de nos concitoyens, en blessant gravement d’autres –je rappelle que deux femmes ont été gravement brûlées-, ne peuvent qu’être l’œuvre d’infâmes voyous tels ceux qui se sont professionnalisés dans le caillassage des représentants de l’ordre en queue des grandes manifestations, comme celle clôturant le Forum Social Européen à Paris en novembre 2003.

Pourtant certains de l’extrême gauche ont tenté et tentent encore de récupérer cette violence gratuite pour en faire une révolte. L’ingrédient magique a été trouvé par les initiateurs des indigènes de la République, qui se sont appuyés sur une théorie raciste et discriminatoire cultivée notamment par une partie de la LCR depuis les années 80.

Ces violences gratuites seraient la conséquence des discriminations envers les arabes, les musulmans et les noirs, subissant un « colonialisme post-colonial ».

Etant arabe et musulman, possédant des gènes noirs, je me lève contre ces allégations discriminantes, diffamantes et racistes.

Je me lève contre ces graves allégations qui font des noirs, des arabes et des musulmans d’éternels colonisés. C’est refuser qu’on puisse partager la même histoire que nos concitoyens. C’est considérer qu’il y’a des « sous-peuples » et en allant plus loin des « sous-civilisations ». C’est nier que tous les peuples et toutes les civilisations ont eu leur heure de domination, à laquelle ils ont aboutit par le glaive.

C’est en fin nier que les noirs, les arabes et les musulmans sont chez eux en France. Je sais bien qu’il existe encore de trop nombreuses discriminations à l’encontre de ces populations.

Mais enfin, il ne faudrait pas oublier que les discriminations les plus courantes depuis la nuit des temps sont celles dirigées contre les femmes, la moitié de l’humanité, quelque soit leur couleur de peau, et leur conviction philosophique.

Pourquoi ces indigènes ne se lèvent-ils pas pour dénoncer le colonialisme subi par le sexe féminin ?

Je savais que pour l’extrême gauche, la lutte des classes est une affaire d’hommes, mais je ne savais pas qu’ils ne savaient pas que la classe la plus discriminée est la classe féminine.

Je me lève contre ces graves allégations émanant d’organisations qui feignent de défendre une population alors qu’elles leur vouent un total mépris, un racisme des plus nauséeux. Les fossiles du colonialisme post-colonial ont rejoint le discours de l’UOIF, promoteur national de la Charia, qui a eu l’outrecuidance d’appeler à la paix en émettant une fatwa –avis juridique inspiré du Coran et de la Sunna-.

En émettant cette fatwa, l’Union des Organisations Islamiques de France viole deux fois la loi.

Primo, alors que nous nous acharnions à éviter les amalgames entre casseurs et français d’origine maghrébine ou de confession musulmane, l’UOIF instille l’idée que les casseurs sont au moins en majorité de confession musulmane.

Secundo, rétablir la sécurité, exigence fondamentale et constitutionnelle, est de l’ordre exclusif du gouvernement en place. L’UOIF viole les principes de la République laïque en mêlant sournoisement l’acte religieux à l’acte public. C’est une violation de la loi de séparation, qui doit au minimum exiger du gouvernement le rappel à l’ordre des dirigeants de cette union.

Entre les fossiles qui rêvent de l’ultime révolution du prolétariat, et les religieux archaïques pour qui la reconquête est en marche, l’alliance est désormais à la lutte contre la laïcité.

Cette alliance prend en otage tous les noirs et maghrébins de France car assimilés par les uns au produit de la colonisation, et à des victimes d’une post-colonisation et par les autres à des victimes de l’héritage confessionnel islamique.

Face à cette escroquerie orchestrée par l’alliance islamo-gauchiste, nous sommes en droit d’attendre des escroqués une révolte dénonciatrice. Elle n’est jamais venue, et n’est pas prête de voir le jour, car les enfants de l’immigration cultivent un rapport particulier à la République et à ses fondements, un rapport passionnel, un amour impossible.

Ils fustigent la laïcité qui empêche la suprématie d’une religion sur une autre, et en même temps ils pressentent une liberté saine lorsqu’ils expérimentent la confrontation des textes dans un cadre pacifié. La laïcité, en imposant la paix et en garantissant la liberté de culte, permet le débat interreligieux, ainsi que le débat croyants - non-croyants en toute sécurité pour les protagonistes.

L’organisation séculière de ces confrontations nous permet de penser que les musulmans occidentaux seront dans l’avenir beaucoup plus instruits en matière de religions et d’histoire des religions que leurs coreligionnaires d’Arabie Saoudite, d’Iran, de Soudan, d’Egypte ou de Syrie, où la croyance dominante a tendance a effacer les minorités de sa propre histoire.

Mais en attendant, il nous faut tenter de comprendre la non-réaction des enfants de l’immigration maghrébine face à l’instrumentalisation dont ils font l’objet.

Je vous propose à cette fin un exposé en trois parties.

Tout d’abord je présente les « rapports entre les maghrébins et la République » en rappelant les caractéristiques de l’ immigration maghrébine.
Ensuite, dans la partie « Intégration, endoctrinement et indifférence : ingrédients de division des maghrébins », je vous parlerai des principaux éléments qui nous semblent résister à l’organisation d’une colonne d’opposition à l’instrumentalisation des maghrébins par les islamo-gauchistes.

Et enfin, j’aborderai les « éléments non spécifiques à l’Islam ou à la France mais qui contribuent à notre problématique ».

Partie I

Rapports entre les maghrébins et la République

L’immigration maghrébine de masse date de la fin des années 1960 et du début 1970. Principalement économique, cette immigration n’était pas vouée à la sédentarisation. Le ralentissement de la croissance économique en 1974 à conduit le gouvernement à décider l’arrêt de l’immigration sauf dans des cas particuliers, dont le regroupement familial.

On peut aujourd’hui regretter que les pouvoirs publics n’aient pas perçu immédiatement que le mythe du retour allait s’estomper surtout avec la deuxième puis troisième génération. Nous y reviendrons mais pour le moment rappelons que cette main d’œuvre non qualifiée, quasiment analphabète de surcroît, provenait de pays monarchiques ou dictatoriaux où l’Islam est religion d’Etat, ignorant la séparation du religieux et du politique au point que le terme « laïcité » est inexistant en arabe.

Les libertés d’expression et d’association sont sévèrement contrôlées comme en témoigne Rachid EL HOUDAIGUI, professeur à la faculté des sciences juridiques, économiques et sociales à Tanger

La première constitution [marocaine] de décembre 1962 consacre définitivement la suprématie du Pouvoir et en fait par voie de conséquence le principal créateur de courants d’opinion. Ceci est d’autant plus vrai que les canaux constitutifs des associations étaient entièrement contrôlés par le pouvoir politique : le ministère de l’intérieur contrôlait les associations, la radio et la télévision étaient essentiellement publiques. Du coup, le pouvoir a domestiqué la notion de société civile et de lui enlever sa connotation de contre-pouvoir potentiel, en récupérant le discours qu’elle inspire. Il a ainsi créée des associations régionales, qualifiées ironiquement d’organisations "non gouvernementales-gouvernementales" , présidées par des personnalités appartenant au cercle rapproché du pouvoir ou par d’anciens ministres.

Provenant de régimes totalitaires, les immigrés ont été propulsés du jour au lendemain dans une société libre.

Ce passage de régimes monarchiques ou dictatoriaux à un régime républicain et démocratique ne pouvait être perçu comme une chance de pouvoir s’investir dans la vie de la cité, d’en comprendre les rouages et les principes fondamentaux. La transmission de ces valeurs aux générations suivantes ne s’effectuait que par les canaux d’éducation populaire, sans relais familial. Or, l’éducation civique a disparu de l’école en 1975 pour ne réapparaître qu’en 1985 , laissant un vide qui permit de jeter les bases du conflit actuel autour de la laïcité.

A partir de 1981, les étrangers sont autorisés à se constituer en association loi 1901. On a alors vu fleurir un nombre impressionnant d’associations culturelles qui ont pour une grande majorité intégré des activités cultuelles ou sont devenues exclusivement cultuelles.

A peine quelques années auparavant, en 1979 la révolution islamique installant le régime des mollahs en Iran fut perçue par les musulmans intégristes comme la réalisation d’un rêve longtemps caressé : Le pouvoir théocratique. Pour les sunnites, c’est l’espoir de ressusciter le califat.

Le développement du tissu associatif étranger, la facilité d’obtention de subventions et de locaux, et surtout la complaisance des pouvoirs publics qui permettaient d’user de la loi 1901 pour les activités cultuelles représentaient une aubaine pour les intégristes.

Parallèlement, les pays d’origine ont vu un danger dans cette prolifération d’associations, qui, non maîtrisée, risquait d’une part d’assimiler définitivement les immigrés avec toutes les conséquences économiques que cela comporte, et d’autre part d’amener à terme dans les pays initiaux des concepts de liberté en opposition avec les pratiques des régimes en place. Ainsi plusieurs mesures ont été prises, dont la tentative de contrôle des associations étrangères ou dirigées par des étrangers. La méthode très simple consistait à financer depuis l’étranger toute association qui le souhaitait, à condition que les projets entrent dans un cadre communautaire, et que toute la procédure soit suivie par le consulat du pays en question. Il est bien entendu que cette démarche a contribué à freiner l’adhésion à certains principes républicains tels que la laïcité.

En complément du contrôle des associations, la double nationalité permet l’exercice de l’autorité sur les individus. Présentée comme un avantage, elle est en réalité un moyen efficace de soutenir le communautarisme. Ainsi, de nombreux maghrébins se marient sous les lois des pays d’origine, choisissant de fait de se voir appliquer le code de la famille de ces pays. Bien que tempérés par des conventions bilatérales, ces codes n’en restent pas moins dérivés de la Charia. Jusqu’en 2003, un époux pouvait répudier sa femme en France si le mariage était contracté dans un consulat marocain.

Un véritable travail d’endoctrinement et de communautarisation a débuté, ne trouvant devant lui aucune résistance, avec l’aval des pouvoirs locaux et ceux des pays d’origine. Et c’est probablement là que nous pouvons regretter le manque de clairvoyance des pouvoirs publics, qui n’ont su accompagner très tôt cette immigration afin qu’elle épouse les valeurs fondamentales de la République.

Il reste enfin à signaler que cette période a connu un événement majeur qui fait rupture entre deux époques. La marche des beurs de 1983, puis la création d’associations telles que France+ ou Sos-Racisme dénotent d’une maturation politique sans précédent des filles et fils d’immigrés.

L’engagement des militants plus que les revendications de ces courants est la preuve d’une adhésion pleine aux valeurs de la République, corroborée par l’engagement aujourd’hui des principaux responsables de ces associations des années 80.

Mais ces mouvements ont commis un péché de jeunesse qu’ont ne peut leur reprocher étant données les circonstances de leur éclosion. Ils ne se sont positionnées que contre le Front National qui, certes, représentait un danger réel pour la société française dans son ensemble, et pour les enfants d’immigrés en particulier. Les priorités et la ferveur de l’engagement politique et anti-raciste de ces militants ne leur permettait pas de prendre du recul et de déceler le danger inhérent aux intégristes musulmans. Il serait prétentieux d’affirmer aujourd’hui, que la montée en charge de cet intégrisme était prévisible.

Partie II

Intégration, endoctrinement et indifférence : ingrédients de la division des maghrébins

Les difficultés à rallier les maghrébins à la cause laïque nous a amené à ouvrir un débat aussi bien avec nos membres et sympathisants, avec des acteurs politiques de toutes tendances, qu’avec des adversaires du principe de laïcité. Il transparaît de ce dialogue qu’il y a trois raisons principales à cette défection maghrébine. Je les argumente à la lumière de l’historique effectué dans la première partie.

Intégration

Le terme d’intégration, largement galvaudé, sert de fourre-tout et de justificatif à n’importe quoi. L’extrême droite a bâti son assise électorale sur la peur de l’immigré et l’impossibilité d’intégration des Maghrébins. Une importante fraction de la gauche et de l’extrême gauche justifient des mesures spécifiques envers les africains maghrébins et subsahariens en invoquant la nécessité d’intégration. Des tendance intermédiaires considèrent les vagues de violences comme phénomènes liés à l’échec d’intégration.

Mais le point commun reste que le terme d’intégration est lié dans ces esprits aux maghrébins et induit une double erreur.

Erreur 1 : L’intégration a relativement bien fonctionné

Comme nous l’avons dit plus haut, la marche des beurs à démontré qu’une page de l’immigration a été tournée au début des années 1980. Une génération active a rompu avec la passivité des parents, en épousant pleinement les spécificités de la République et en exploitant ses avantages.
Nous pouvons sans ambiguïté affirmer que l’intégration a relativement bien fonctionné, et le seul reproche que l’on puisse faire aux pouvoirs publics est le manque d’accompagnement initial, qui a laissé un vide, comblé par les islamistes. Ces derniers ont combattu l’acculturation des enfants d’immigré. Je rappelle que l’acculturation désigne la prépondérance de la culture française dans le bagage culturel des individus issus de l’immigration.

Nous remarquons d’ailleurs aujourd’hui que les militants de ces années 1980, âgés actuellement de la quarantaine sont presque tous des défenseurs de la laïcité : Malek Boutih, Rachid Kaci, Fadela Amara, Leïla Babès, Messaoud Bouras, et j’en passe. Je dis « presque tous » car il ne faut pas nier que pour des raisons diverses, certains ont rejoint la mouvance qui prône une laïcité « ouverte ». Peut-on le leur reprocher ? Non !

Erreur 2 : La dé-intégration

En lieu et place de l’intégration il faudrait parler de dé-intégration, procédé qui consiste à remplacer l’ensemble des valeurs acquises par les immigrés, par des valeurs non conformes à la société dans laquelle ils vivent. Cela revient à déplacer le référentiel social et culturel adopté par les maghrébins. C’est l’acculturation qui est visée.

Dans la pratique, l’enfant est pris en charge en dehors de l’école par des associations dé-intégratrices, dont le but est de corriger ce que l’école lui inculque. Il passe d’un système laïque à un système non laïque, d’un système mixte à un système non mixte.

Dans son rapport intitulé « L’Islam entre mythe et religion : Le nouveau discours religieux dans les associations socio-culturelles musulmanes », Dounia Bouzar nous livre quelques inquiétantes dérives de ce système éducatif. Nous pouvons noter qu’à la question « est-ce que vos actions sont basées sur la référence musulmane ? », le responsable d’une association répond « C’est subtil. Nous, les animateurs responsables, on est presque tous des pratiquants. Pour nous, toutes nos actions sont liées aux références musulmanes. (…) Sachant que ce sont des valeurs communes, universelles, je ne vois pas où est le problème »

Elle poursuit en déclarant que « pour tous les leaders interviewés, l’Islam représente la référence principale qui justifie l’engagement associatif ».
Ainsi l’un des responsables suggère qu’ « il faut apprendre aux enfants musulmans la pudeur musulmane et ne pas les habituer à voir des corps à moitié nus, même s’il ne s’agit pas de musulmans ».

Un autre déclare que « la mixité est une condition pour venir s’inscrire à nos activités, même lorsqu’il s’agit de familles entières. Nous le marquons sur nos prospectus : HIJAB NAUTIQUE OBLIGATOIRE »

Sous prétexte de soigner un malaise social, ces associations ghettoïsent les jeunes maghrébins. Au lieu de se définir comme objectif de les armer pour affronter le monde du travail, on leur inculque des valeurs archaïques : Non mixité, retour à l’Islam radical, arabisation.

En dé-intégrant, on sème le flou dans les esprits des enfants. La laïcité n’étant pas abordée dans ces associations, elle disparaît de la culture.
Si l’on prend en compte le fait que ces associations oeuvrent principalement dans des cités, imposant ainsi un mode de vie dans un lieu clos, en décalage par rapport aux normes standards, l’enfant ne pourra qu’adopter ce modèle pour sa vie future. La laïcité sera considérée comme hostile à ses normes.

Nous constatons d’ors et déjà que nombre d’enfants se réclament de plus en plus de leur religion et/ou de la nationalité de leur pays d’origine puis seulement de la France. Je suis musulman français, ou je suis marocain français. Il arrive même qu’ils omettent leur identité française.

Récemment à Colmar lors d’une conférence organisée par l’Association France Palestine Solidarité, un jeune lycéen a introduit sa question à Leïla Chahid dans ces termes là : « Bonjour, je m’appelle Mohamed Jalil, je suis musulman, français, mais bien sur musulman d’abord ».

Endoctrinement

Les principes républicains ne sont pas seulement mis à mal par la dé-intégration. L’endoctrinement est une méthode efficace qui prolonge toutes les autres. Son objet est de récupérer les valeurs humanistes, républicaines et démocratiques et de les conditionner à des références spirituelles. L’islam est un tout et tout est dans l’Islam. La devise est « L’islam est un englobant ». La laïcité devient ainsi un sous-produit d’une interprétation spirituelle. Elle est selon les prédicateurs tels que Tariq Ramadan l’espace où la Religion dispose de toute la liberté. Par là, il faut entendre que la laïcité doit être interprétée comme un principe passif, poreux.

L’attaque du principe de laïcité s’accompagne de discours tout aussi préoccupants, distillés au travers de conférences dans les cités ou au cours de séances de prosélytisme. Nous nous contenterons ici de donner une liste de thèmes prônés et liés aux principes de notre République :

• La liberté de la femme passe par la pudeur

• Le voile permet à la femme d’accéder à l’espace public

• Les lois de Dieu passent avant les lois de la République, donc il faut lutter contre la loi de séparation

• L’égalité homme-femme passe par la non mixité

• La femme est complémentaire à l’homme, ce qui revient à hiérarchiser la relation homme-femme en isolant cette dernière

• Ne plus serrer la main entre homme et femme, ni entre croyants et mécréants

Ces conférences et séances de prosélytismes n’ont pour seul but que de diviser le monde en deux : croyants et infidèles. Les croyants seront ceux qui détiendront la vérité. Il s’agit de construire un ordre parallèle à l’ordre républicain.

Indifférence

En tentant de comprendre la non adhésion à notre mouvement, nous avons mis le doigt sur un phénomène plus large : l’indifférence des maghrébins par rapport à la politique en général et à la laïcité en particulier. Nous pouvons à ce propos avancer deux explications, mais signalons avant cela que même si les maghrébins dans leur ensemble ont un niveau social inférieur à la moyenne nationale, une élite composée de chercheurs, ingénieurs, cadres commerciaux, etc. existe et s’agrandit. Cette dernière s’éloigne en général des quartiers à forte concentration maghrébine et se comporte politiquement comme la moyenne française.

La première explication de l’indifférence découle de l’observation faite dans la première partie de cet exposé. Les maghrébins quelle que soit leur situation socio-professionnelle partagent l’héritage de leurs parents concernant l’engagement politique en général. Lors d’un entretien paru dans la revue « Confluences Méditerranée » en 2001, Malek Boutih, alors Président de SOS Racisme déclare « la conscience politique de cette population, sa capacité à s’exprimer politiquement, est faible, (…) la question la plus importante réside, à mon avis, dans la nécessité d’élever la conscience politique et sociale de ceux qui bénéficient du droit de vote » . À cela vient s’ajouter le malaise que de nombreux français partagent, c’est-à-dire la non-reconnaissance dans les dirigeants et les courants politiques actuels. Ces effets cumulés font des maghrébins des citoyens majoritairement indifférents à la chose publique et à l’intérêt général.

La seconde explication est également liée à l’héritage et concerne directement la laïcité. La plupart des maghrébins interrogés estiment qu’ils pourraient très bien vivre dans un système communautaire, avec tout ce que cela implique et notamment l’abolition de la loi 1905. Ceci est particulièrement vrai pour les maghrébins issus de l’immigration marocaine et l’est beaucoup moins pour ceux issus de l’immigration algérienne. Les premiers se référent au communautarisme du Maroc, relativement bien géré car les extrémistes y sont contrôlés. Les seconds se réfèrent aux assassinats de civils par les islamistes, et réfutent ainsi toute tentative de communautariser la société française, craignant à raison que les mêmes causes ne produisent des effets semblables.

Or dans tous les cas, cette indifférence laisse le champs libre aux maghrébins anti-laïques qui se présentent souvent comme des militants des droits de l’homme pour couvrir leurs intentions réelles. Rappelons à ce titre que l’Encyclopédie de Diderot au XVIII° siècle dénonçait « Cette coupable indifférence qui nous fait voir sous le même aspect toutes les opinions des hommes ».

Partie III

Eléments non spécifiques à l’Islam ou à la France mais qui contribuent à notre problématique

Paradoxe des maghrébins

Etant en relation avec de nombreux acteurs intellectuels et associatifs oeuvrant sur l’autre rive de la méditerranée, nous avons constaté qu’une réelle mouvance laïque était en marche. Ces Marocains, Algériens ou Tunisiens observent attentivement la France en particulier et l’Europe en général, et sont préoccupés par la dérive communautariste de leurs compatriotes vivant en France. Un think tank composé de journalistes, philosophes, politologues et intellectuels musulmans est en création au Maroc, en partenariat avec des acteurs français, dont notre mouvement. Il a pour but de réfléchir et de proposer des éléments permettant de séculariser le Maroc, en y adaptant la laïcité à la française.

Paradoxe Islam – Extrême-gauche

Il est inquiétant de constater qu’une partie de l’extrême gauche par essence laïque et athée, se rapproche depuis quelques années des musulmans radicaux. L’alliance a été scellée lors du Forum Social Européen de Paris en novembre 2003, où une large place a été faite aux organisations islamistes et à Tariq Ramadan, qui a fait tribune commune avec Mouloud Aounit (du PCF). Cette alliance a été confirmée par le travail commun entre cette frange de l’extrême gauche et les islamistes, visant à lutter contre la loi du 15 mars 2004 interdisant les signes religieux à l’école.
L’investigation concernant ce curieux virage emprunté par l’extrême gauche nous a mené vers la théorie du Socialist Workers Party, explorée dès la fin des années 80 et dont Chris Harman a donné corps en 1994 dans un article intitulé « Le prophète et le Prolétariat », et traduit en français par une branche de la Ligue Communiste Révolutionnaire sous le nom « Islamisme et révolution » .

L’idée consiste à utiliser les islamistes dans la lutte contre l’impérialisme. Dans le numéro du printemps 2004 de Socialisme international, un trimestriel édité par une tendance de la LCR nous pouvons lire « Nous ne pouvons les [les islamistes] considérer comme des alliés. Mais nous voyons dans la brutalité du capitalisme et des puissances impérialistes l’ennemi principal. Puisque les mouvements islamistes ont surgi comme une réponse à cette domination impérialiste, nous pouvons nous trouver dans les mêmes luttes aux côtés de certains de ces mouvements, sans faire des concessions politiques. Dans ces luttes, il peut être possible de convaincre de jeunes islamistes que les idées révolutionnaires répondent infiniment mieux à leur besoin de lutter contre l’impérialisme. C’est pour cela que c’est une erreur grave, et malheureusement courante en France, d’exclure par principe toute organisation musulmane de la lutte contre l’impérialisme. »
On retrouve ainsi de nombreux islamistes dans les courants politiques et associatifs d’extrême gauche et également de la gauche socialiste.

Conclusion

Il est extrêmement difficile de réunir les maghrébins autour du principe de laïcité. L’héritage communautariste, islamique et apolitique de leurs parents pèse encore fortement sur les générations actuelles. Il produit en conjonction avec le sentiment général à l’égard des politiques une majorité indifférente à la préservation de la laïcité.

Notons que contrairement à une idée reçue, l’intégration a bien fonctionné et le seul reproche à faire est le manque d’accompagnement civique des nouveaux migrants.

De plus, l’endoctrinement islamiste qui a débuté à la fin des années 1970 et au début 1980 ne s’est vu opposer aucune résistance. Ses effets ont commencé à être visibles en 1989 avec la première affaire du voile à Creil.

Aujourd’hui nous constatons un fort militantisme anti-laïque de la part de maghrébins islamistes, souvent actifs dans les milieux politiques ou associatifs.

Sommes-nous dans une époque semblable à celle de la marche des beurs, qui préparerait un changement radical de cette population vis-à-vis des principes républicains ? Un forme de marche des beurs à l’envers ?

Afin de juguler ces menaces qui pèsent sur la République et sur le principe de laïcité, il convient de mettre en place des dispositifs de traitement à long terme et capable de s’adapter rapidement à l’émergences de nouvelles stratégies communautaristes. Nous vous proposons ici quelques axes de réflexion.

Tissu associatif

Les associations de proximité régies par la loi 1901 participent à la formation des citoyens de demain. Elles se situent dans le prolongement de l’éducation nationale. Il est donc impératif d’exiger qu’elles assument ce rôle dans leurs activité de terrain. Les partenaires financiers pourraient en autre, contrôler la cohérence des activités financées avec les principes républicains tels que la laïcité.

Loi 1901 et loi 1905

La loi 1901 permet aux associations d’offrir des activités cultuelles si elles ne sont pas majoritaires dans la gamme offerte. Mais force est de constater que beaucoup d’entre elles profitent de ce statut afin de mener des actions exclusivement ou en grande partie cultuelles. Il serait souhaitable d’exiger l’application stricte de cette loi, en interdisant par exemple l’exercice de toute activité cultuelle. En effet, il n’est nullement interdit aux membres d’une association 1901, de se réunir également sous le statut 1905, idéal pour gérer le culte.

Indifférence

L’indifférence doit être traitée dans un cadre plus large, intégré dans un programme luttant également contre l’abstentionnisme. Il s’agit de redonner du sens à la chose publique, et de convaincre la population que la société se construit par l’individu. Elle résulte de l’engagement de chacun. Ceci peut se faire par le renforcement de l’éducation civique à tous les niveaux de l’éducation populaire.

Nouveaux migrants

Qu’ils soient issus des pays du Maghreb, des nouveaux pays européens, ou d’autres fournisseurs d’immigration, les individus doivent être accompagnés afin de leur offrir les outils nécessaires à leur épanouissement dans notre République. Il ne faut pas laisser la « communauté » fournir sa propre vision au nouvel arrivant.


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