Revue de presse

"L’ultragauche c’est comme les woke : il paraît que ça n’existe pas" (A. Shalmani, L’Express, 6 av. 23)

Abnousse Shalmani, journaliste et écrivaine. 6 avril 2023

[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

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Lire "L’ultragauche c’est comme les woke : il paraît que ça n’existe pas, par Abnousse Shalmani".

"[...] Du pain bénit médiatique, voilà ce qu’est avant tout le retour de la violence dans les manifestations, à constater le nombre ahurissant de débats, décryptages, analyses qui s’enchaînent, donnant la désagréable impression que la France est à feu et à sang – au point que Charles III, effrayé tant par l’accumulation des ordures défigurant un peu plus Paris que par la guerre civile qui s’y déroule, a préféré l’Allemagne à la France pour son premier voyage officiel. Les présentateurs adoptent le ton des grands soirs, les invités sont outrés, la situation est grave, très grave, la République agonise sous nos yeux, les jeunes sont les premières victimes d’une violence d’Etat qui s’abat sur leurs frêles épaules innocentes. Encore un peu et on en appellerait à la résistance de la maison de campagne de papa.

Le vocabulaire est à la hauteur du drame qui se joue dans les rues de France : armes de guerre (sans pitié pour la vraie guerre en Ukraine, soudain mise en sourdine au nom de la révolution permanente d’enfants confortablement nourris aux rêves soixante-huitards de parents nostalgiques), massacre d’innocents (les écologistes venus pique-niquer lors d’une manifestation interdite), provocations policières (des hordes de policiers assoiffés de sang qui font la preuve de la répression de l’innocente fleur de liberté tentant désespérément d’éclore) et remise en cause de la France, de sa gouvernance, de sa police, de sa Constitution, de ses lois, etc. David Dufresne, journaliste "spécialisé" dans la police, nous a même doctement expliqué que les black blocs – qui n’existent pas – provoquent la police pour "prouver" la violence policière et faire la démonstration de l’illégitimité de la violence d’Etat.

Un cadeau à tous les régimes tyranniques

Du temps des maoïstes, trotskistes, anarcho-marxistes, toute cette nébuleuse d’extrême gauche qui croyait dur comme Staline à la guerre des classes et à la rééducation des masses, on assumait avec fierté sa filiation. Elle était cause de rupture bruyante, de choix de carrière, de passe humaniste. Aujourd’hui, il semble que la tendance soit au "je ne sais pas de quoi vous parlez, cela n’existe pas". Cela marche à tous les coups avec les habitants du Wokistan, qui refusent de reconnaître leur filiation – tout en expliquant que les "o", s’ils existent, se battent contre les discriminations et pour la fin des dominations, alors être contre le Wokistan, c’est être nazi –, mais dorénavant il semble que l’ultragauche n’existe pas davantage.

Ce serait une "constellation", dixit un sociologue payé par nos impôts pérorant sur une radio publique subventionnée par nos impôts. Très sérieusement, toute une ribambelle de sociologues se suivent et se ressemblent sur les ondes publiques pour expliquer la guerre de la police contre les citoyens français jusqu’à la nouvelle grandiose polémique : la police a volontairement empêché les secours de parvenir jusqu’aux blessés à Sainte-Soline. La justice dira précisément de quoi il retourne, mais imaginer que les forces de l’ordre attendaient avec sadisme la mort de manifestants est d’une ignominie qui ferait passer les mollahs iraniens pour des faiseurs de paix. D’ailleurs, ces derniers ont réagi avec gourmandise aux événements, en appelant la France à davantage de retenue et de bienveillance.

Alors que les redoutables Gardiens de la révolution tuent impunément, emprisonnent aveuglément, torturent à tour de bras, ils découvrent, ivres de joie, que la "constellation" d’ultragauche utilise le même vocabulaire pour décrire les institutions françaises. C’est un cadeau fait à tous les régimes tyranniques du monde que d’abîmer les institutions démocratiques en les couvrant de mensonges."


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