Revue de presse

"L’obsession de l’or juif" (Marianne, 22 fév. 19)

14 mars 2019

[Les articles de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"Craché sur les murs, brandi sur les pancartes, ruminé sur les réseaux sociaux, le fantasme de la banque juive et de ses pouvoirs occultes reste une constante séculaire de la haine.

Rien de neuf. Non, rien de neuf dans ces tags qui, à la faveur d’une révolte sociale, associent en des termes orduriers le nom du président de la République et celui de Rothschild, dynastie bancaire au cœur de tous les fantasmes depuis le XIXe siècle. Bien avant la France juive de Drumont (1886) sort en 1847, sous la signature d’Alphonse Toussenel, un pamphlet intitulé les Juifs rois de l’époque. Histoire de la féodalité financière. Il est aujourd’hui réédité par Kontre Kulture, la maison d’édition d’Alain Soral qui présente lui-même le texte. Au cœur de l’affaire Dreyfus, de 1894 à 1899, les anathèmes contre le capitaine et ses soutiens dénoncent tous « Rothschild, la juiverie cosmopolite » , et « les rafleurs d’argent, parmi lesquels tous les juifs ». La rhétorique se poursuit au long des années 30. Elle sert de socle à ce que l’historien Zeev Sternhell appelle « le fascisme français » qui débouchera sur la politique antijuive meurtrière du régime de Vichy.

Puissance supposée

Mais cette fascination est en réalité bien antérieure à l’installation à Paris en 1810 de James de Rothschild, en provenance de Francfort, et de l’ouverture de sa banque, rue Laffitte, en 1813. Le nom honni, incarnant la puissance supposée des juifs sur les gouvernements et les économies, constitue la cristallisation moderne d’un délire forgé depuis le Moyen Age chrétien.

« Depuis le XIIe siècle, des rumeurs circulent au sujet d’un gouvernement secret juif », écrit l’historien Norman Cohn dans son Histoire d’un mythe (Folio), ouvrage de référence sur les origines et la diffusion du faux antisémite russe, les Protocoles des Sages de Sion. Les Protocoles surgissent officiellement, fabriqués par la police tsariste, à la fin du XIXe siècle. Le texte est fondé sur le mythe d’une conspiration juive à la manœuvre, notamment financière, pour dominer le monde et le détruire. Il circule dans toute l’Europe avec un succès spectaculaire. C’est l’un des livres de chevet de Hitler qui le met au programme des écoles du IIIe Reich.

Après la Seconde Guerre mondiale et la création de l’Etat d’Israël, les Protocoles, diffusés dans le monde arabe, deviennent un pilier de la propagande contre le sionisme. Norman Cohn remonte à la source de cette construction qui continue à empoisonner les imaginaires. Dans le sillage de l’antique diabolisation des juifs se répand, à l’époque de la première croisade, la légende d’une superpuissance « composée de rabbins et siégeant dans l’Espagne musulmane, censée diriger une guerre secrète contre la chrétienté et se servir de la sorcellerie pour arme principale ».

Au fil des siècles, analyse Cohn, « les vestiges des anciennes terreurs démonologiques se mélangeront à des inquiétudes et des ressentiments typiquement modernes ». La dénonciation du juif maléfique toucha les milieux les plus divers : « Il y eut l’antisémitisme de gauche qui combinait naguère la haine de la religion juive, rendue responsable du christianisme, avec la haine de la banque juive, des Rothschild. Et l’antisémitisme de la noblesse terrienne, du clergé, faisant des juifs, désormais sortis des ghettos, le symbole d’une modernité qui menaçait leur univers… » Derrière les slogans d’aujourd’hui, c’est une boue et une folie immémoriale qu’il faut déchiffrer et combattre."

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