Contribution

L’extrême droite est l’ennemi juré de la République (J. Lafouge)

"Mes réflexions au soir du 25 mai 2014", par Jacques Lafouge, vice-président du Comité Laïcité République 29 mai 2014

Peut-être est-ce le fait d’être né avant la seconde guerre mondiale qui me rend particulièrement sensible à tout ce qui concerne la grandeur et la fragilité de la République et de ce qu’elle implique.

Des souvenirs d’enfance surnagent. Le tocsin du jour de la déclaration de la guerre. L’envahissement de la France, les réfugiés, la pénurie de tout, les rafles, ces voisins juifs qui disparaissaient un jour et qu’on a jamais revus, la milice, la Libération.

Il a fallu du temps ensuite pour comprendre que le responsable de toutes ces horreurs ne portait qu’un seul nom : le totalitarisme.

Le temps a passé et je me suis mis un jour à écrire un livre : Etre franc-maçon aujourd’hui. Je l’ai écrit en 2000. Il y a 14 ans.

Je l’ai relu le 25 mai 2014 au soir et ne peux résister à vous en transmettre un passage.

« La République est fragile et il se trouve toujours quelqu’un pour proposer des solutions radicales...
... Le vrai danger aujourd’hui est à l’autre extrémité du spectre politique ; l’extrême droite est l’ennemi juré de la République. Il y a toujours eu en France de trois à cinq pour cent de partisans d’un régime de droite très fort. Nous l’avons constaté en le regrettant mais peut-être en le considérant comme un mal nécessaire.

Au nom de la Liberté.

Les années récentes ont vu passer ce pourcentage à 15 %. Non pas un 15 % d’humeur mais un 15 % fidélisé, une véritable force politique aspirant à, jouer un véritable rôle et qui le jouerait s’il passait la barre de 20 %. Les vieilles méthodes que nous connaissions et que nous pensions avoir oubliées ont réapparu.

L’agression verbale et physique, le génocide juif, un détail de l’histoire. L’agression d’une candidate socialiste qui vaut au président du FN une condamnation en correctionnelle pour injures et voies de fait. La. violence contre les colleurs d’affiches électorales, tout ceci nous ramène loin en arrière.

L’extrême droite est par nature violente et liberticide. Elle ne vise pas à la libération du peuple mais à l’Ordre pour lui-même. L’Ordre dans le silence et la liberté surveillée, enfin ce qu’il en reste. Comment s’étonner alors que l’extrême droite déteste la franc-maçonnerie comme symbole de la liberté.

Il y a entre le fascisme et la franc-maçonnerie une lutte à mort. L’extrême droite exterminera la franc-maçonnerie si elle le peut. La franc-maçonnerie qui ne lutte jamais contre les hommes mais au plan des idées doit donner à la République les moyens de résister à l’extrême droite.

En 1997, lors d’un Conseil de l’Ordre tenu à Clairac en Lot et Garonne, le GODF a demandé l’interdiction du Front National. Initiative inutile et de nul effet selon certains dont quelques uns étaient des nôtres.

Nous avons pensé au contraire cette initiative indispensable.Elle fut difficile à prendre car nous hésitons toujours entre les deux grandes conceptions de la Liberté.

Celle de Voltaire : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dîtes mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire. »

Celle de Saint Just : « Il n’y a pas de liberté pour les ennemis de la liberté. »

Nous avons choisi Saint Just.

Certains l’ont reproché. Qu’ils se souviennent simplement, partisans ou adversaires, de cette demande d’interdiction ; que si un jour nous devions nous retrouver à Drancy ce sera pour le simple fait d’être franc-maçon, c’est a dire porteurs d’une certain idée de la Liberté et non pour avoir demandé l’interdiction du Front National ; il ne sera pas fait de partage entre les bons et les mauvais. Aucune extrême droite ne l’a jamais fait.

Ceci est tellement vrai que moins de six heures après notre demande d’interdiction, le Front National demandait notre propre interdiction.

La dernière fois que nous avons été interdits c’était sous le régime de Vichy. La boucle était bouclée.

Les événements ultérieurs ont vu l’éclatement du mouvement. Il faut nous en réjouir..

Craignons que de cette scission ne naisse une droite musclée encore plus dangereuse. Ce n’est pas parce que le cancer s’est coupé en deux qu’il est guéri ou qu’il disparu.

L’ancien Front National servait en quelque sorte de repoussoir et était considéré majoritairement comme inapprochable. On a vu néanmoins des hommes politiques ayant rempli des fonctions ministérielles accepter les votes de l’Extrême Droite pour sauvegarder leur siège dans une assemblée. La condamnation fut importante car ils fréquentaient l’infréquentable.

Dans la mesure où l’une des fractions du Front National apparaîtrait plus rassurante il n’est pas impossible de penser qu’une fraction de la Droite classique en déroute ne se rassemble autour de ce noyau pour constituer cette droite musclée présentable dont certains rêvent..

Sur ce point notre vigilance sera sans faille.

N’oublions jamais ces paroles du collaborateur J. de Boistel, dans les Documents maçonniques de novembre 1942, au sujet de la statue de la Liberté placée à l’entrée du port de New York :
« Souhaitons de voir bientôt jeté bas la statue du Frère Bartholdi, colossal symbole de ce règne judéo-maçonnique qui a engendré tant de guerres et accumulé tant de ruines ! » »

J’ai beaucoup parlé des Francs-maçons mais un sort identique attendrait tous les démocrates et républicains.

Les dernières élections ont vu l’écroulement des deux partis traditionnels.

Souvenons nous de ceci : En 1924 le parti nazi en Allemagne recueillait 2,6 % des suffrages, en 1932 30 % puis 36,7 % des suffrages, en mars 1933 43,9 % des ces mêmes suffrages.

En 1932 une certaine foule défilait en portant cette pancarte : « Hitler notre dernier espoir ! »

Jacques Lafouge


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