Revue de presse

J.-P. Le Goff : La filiation de #metoo avec le MLF ne va pas de soi (Le Monde, 10 juil. 18)

Jean-Pierre Le Goff, philosophe, sociologue, auteur de "Mai 68, l’héritage impossible" (La Découverte) et "La France d’hier. Récit d’un monde adolescent" (Stock). 14 juillet 2018

[Les articles de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"Le mouvement #metoo s’affirme dans la continuité du mouvement d’émancipation des femmes et sa dénonciation des violences sexuelles lui confère une légitimité qui paraît indiscutable. La référence au Mouvement de libération des femmes (MLF) et les témoignages des violences ne supportent pas de longs débats ; tout recul réflexif peut apparaître comme une négation des violences. On comprend dans ces conditions que beaucoup, qui n’en pensent pas moins, préfèrent se taire.

La filiation avec le MLF, créé en 1970, ne va pourtant pas de soi. Le MLF a joué un rôle d’avant-garde dans la remise en question des clichés et des rôles traditionnels de la femme, affirmé la spécificité du désir et de la sexualité féminine par rapport au modèle masculin dominant. Ce mouvement, comme le gauchisme et la contre-culture de cette époque, a versé dans l’outrance et la démesure, mais il n’avait rien d’un mouvement victimaire appelant sans cesse à la délation et à la répression. La critique allait de pair avec des expériences de vie alternatives dans une optique de transgression et de liberté qui paraissait sans limite. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Contrairement à ce que prétendent ses partisans, la vague de témoignages et de dénonciations portée par #metoo ne relève pas simplement d’une libération de la parole et d’une prise de conscience salutaire des violences sexuelles exercées sur les femmes. L’expression de la souffrance n’est pas en question, mais la façon dont elle s’affiche dans l’espace public s’inscrit pleinement dans un nouvel air du temps sentimental et victimaire.

L’expression débridée de la subjectivité souffrante et la dénonciation ad hominem brouillent les distinctions entre vie privée et vie publique, entre sentiments et raison, entre vengeance et justice. [...]"

Lire "#metoo : « Un nouvel air du temps sentimental et victimaire »".



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