Revue de presse

J. Macé-Scaron : "L’islamisme, ce nouveau totalitarisme" (Marianne, 3 mars 17)

9 mars 2017

Hamed Abdel-Samad, Le Fascisme islamisme, Grasset, 304 p. 20 e.

"[...] Il faut remercier, au passage, les éditions Grasset d’avoir eu le courage de publier ce livre qui dynamite les idées reçues et qui a été un best-seller en Allemagne, ouvrant la voie à de nombreuses et salubres controverses.

Juste un mot sur l’auteur, né à Gizeh, Abdel-Samad est, durant ses études à l’université, membre des Frères musulmans. La fréquentation de leurs camps d’été va provoquer, chez lui, une profonde crise de scepticisme quant aux valeurs enseignées par ceux qui défendent l’idée d’un Coran incréé et affichent leur haine de la spiritualité. Abdel-Samad est contraint de quitter l’Egypte et publie, en 2009, Mon adieu au ciel, ce qui lui vaudra d’être dénoncé comme hérétique. Quelques sommités de l’université Al-Azhar allant jusqu’à réclamer publiquement sa mise à mort. Enseignant à Erfurt puis à Munich, il vit, aujourd’hui, outre-Rhin sous haute protection policière.

Dès le début des années 80, après l’arrivée au pouvoir de Khomeyni, se pose la question de la nature politique de l’islamisme. Aux Etats-Unis mais également en France, sous la plume de Michel Onfray, des intellectuels refusent d’avoir les yeux de Chimène pour la révolution iranienne.

Martine Gozlan l’a écrit souvent dans Marianne : à l’époque, peu de personnes connaissent le rôle essentiel joué par les Frères musulmans dans l’avènement du khomeynisme alors que ce dernier est pourtant en rupture avec le chiisme traditionnel. C’est dire l’importance de l’histoire de cette confrérie retracée par Abdel-Samad. Cette organisation sunnite est fondée en 1928 par Hassan el-Banna, grand-père de Tariq et Hani Ramadan. Le contexte historique parfaitement dépeint est important puisque l’islamisme se développe au même moment que le fascisme en Italie ou le national-socialisme en Allemagne.

Abdel-Samad reprend les principales caractéristiques de ce qui définit, selon Umberto Eco, le fascisme « primitif et éternel ». Et il les compare à l’islamisme. Culte de la tradition ? On trouve ici aussi le rejet de toute analyse critique, l’acceptation sans discuter d’un message révélé (« salafistes et djihadistes diabolisent toute compréhension moderne des textes »). Amour d’un passé mythique ? La restauration du califat fait écho à celle de l’Empire romain. Recherche d’un bouc émissaire ? L’antisémitisme est le lot commun des totalitarismes. Haine du monde moderne et des Lumières ? On relève le même goût ici pour l’irrationalisme. Une constatation identique en ce qui concerne le complotisme, le militarisme, le délire de persécution et la soif inextinguible de vengeance qui en découle, perçue ici comme « un service rendu à Dieu ». Sans oublier, bien évidemment, la coercition absolue puisque tous les totalitarismes lorsqu’ils parviennent à s’emparer du pouvoir finissent par transformer la société « en prisons à ciel ouvert dont les “détenus” - les citoyens - sont constamment surveillés ».

En 1946, El-Banna prononcera solennellement au Caire un éloge d’Amin al-Husseini, grand mufti ou plutôt, devrait-on écrire, grand nazi de Jérusalem qui obtiendra en 1941 le titre d’« aryen d’honneur » : « O Amin, la défaite de Hitler et de Mussolini ne t’a pas effrayé. Quel héros, quel miracle d’ homme ! » L’auteur écrit qu’un an auparavant El-Banna, après son échec aux législatives égyptiennes, avait projeté une marche sur le Parlement avec 200 000 de ses partisans « comme Mussolini avec ses chemises noires en 1922 ».

Au fil de cette description, on voit bien qu’il n’existe pas plus d’islamisme modéré que de fascisme modéré et qu’alimenter en permanence cette illusion est un danger terrible pour nos démocraties. Mais il existe une autre interrogation à laquelle Abdel-Samad ne se dérobe pas : peut-on clairement séparer l’islam de l’islamisme ? Les incitations à la violence se retrouvent dans la Bible comme dans le Coran. Dans les deux textes, on voit apparaître un dieu répressif et jaloux, ce qui devrait relativiser l’expression « religion de paix ». Au terme d’une longue évolution, nous avons appris à relativiser le rapport au religieux même si ce dernier revient sous la forme de cette pandémie politique qu’est l’identitarisme. Et c’est là où l’apport de l’auteur est essentiel : non pas en établissant une différence entre l’islam et l’islamisme mais entre les musulmans et l’islam. La majorité des musulmans n’observent pas chaque rituel, note-t-il justement, la plupart d’entre eux ne fréquentent pas la mosquée. Le problème vient alors de ces « autorités » qui ont adopté la position démissionnaire et qui, bien que n’étant pas des musulmans, décident de ceux qui seraient les bons croyants, ces derniers devant être respectés même au prix de la censure. Abdel-Samad a été à maintes reprises victime de ces accommodements déraisonnables avec la lâcheté. Lui aussi a rencontré, plus d’une fois, ces idiots utiles sans lesquels aucun totalitarisme prospère."

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