Revue de presse

"Islam à l’école : l’Alsace prête à sauter le pas ?" (rue89strasbourg.com , 16 juin 15)

27 juin 2015

"Suite aux attentats de janvier, la préfecture d’Alsace vient d’ouvrir le dossier hyper-sensible d’un enseignement sur l’islam dans les écoles publiques. Quelles chances ont les petits alsaciens musulmans de pouvoir suivre un cours confessionnel au même titre que leurs camarades catholiques, protestants et juifs ? Qui a les cartes pour faire aboutir les ambitions du préfet ? Rue89 Strasbourg a mené l’enquête.

[...] En mai, l’Observatoire de la laïcité a appelé à rendre optionnel l’enseignement de religion à l’école en Alsace-Moselle, ignorant le souhait des musulmans de profiter de cet outil local. C’est pourtant dans ce sens que la préfecture d’Alsace a choisi d’avancer.

Le 26 mai, le préfet d’Alsace Stéphane Bouillon a chargé une commission spéciale de la question. Quelques jours plus tôt, Jean-Claude Hergott, fonctionnaire en charge des cultes auprès du préfet, dévoilait ses ambitions lors du passage à Strasbourg de l’imam libéral de Bordeaux Tarek Oubrou. Il annonçait l’imminente mise en place d’un « groupe de travail sur l’éveil cultuel [musulman] dans l’école publique » et une probable « première expérimentation à la rentrée, en primaire ou au collège ».

Les attentats de janvier ont mis à l’ordre du jour le sujet d’un enseignement de l’islam dans les écoles alsaciennes. En mai, le préfet a mis en place une instance locale de dialogue avec l’islam, suite à la venue à Strasbourg en mars du premier ministre Manuel Valls. Elle rassemble les responsables musulmans de la région, les universitaires strasbourgeois Francis Messner et Éric Geoffroy, la Région, l’Eurométropole, et le Rectorat. Le préfet a retenu trois chantiers : la place des femmes dans les instances musulmanes, la formation et le statut des imams et aumôniers, et l’enseignement de l’islam à l’école.

Rappelons que l’enseignement religieux obligatoire est dispensé sur les heures de cours à l’école primaire, puis proposé en plus au collège et au lycée. Il est facile d’obtenir une dispense. Jusqu’au CM2, les élèves non-inscrits, suivent alors un cours de morale. Au collège et au lycée, ils sont libres. En 2010, 30% des collégiens et 14% des lycéens des trois départements suivaient ces enseignements. À Strasbourg, on compte même 72,4% de dispensés dès le primaire. [...]

En Alsace-Moselle, l’État organise une heure d’enseignement de religion par semaine pour les élèves du CP à la terminale, pour les quatre cultes dits « concordataires » : les catholiques, les protestants luthériens et réformés (unis depuis 2006) et les juifs. D’après l’Observatoire de la laïcité, impossible d’étendre cette exception scolaire au culte musulman : En 2013, dans son jugement sur la rémunération publique des pasteurs en Alsace-Moselle, le Conseil constitutionnel a souligné que le régime local des cultes reste valable mais ne peut pas s’étendre à de nouveaux bénéficiaires. [...]

La Région Alsace a coordonné une première réflexion sur un enseignement de l’islam entre 2011 et 2012, dans le cadre de son comité interreligieux.

Pour Lilla Merabet, conseillère régionale sans étiquette mais élue sur une liste de la majorité de droite qui a suivi le dossier, le rôle de la Région était alors d’offrir « un lieu de neutralité pour que les gens puissent travailler » et de faciliter la liaison entre la préfecture, le Rectorat et le CRCM. [...]

« Les programmes pour l’islam sont prêts de la sixième à la terminale. Ils développent les cinq piliers de l’islam, la place de la femme en islam, les pratiques de solidarité, ils contextualisent la religion à travers ses grands courants historiques… Ce contenu est plus envisagé comme de l’éducation civique. Il vise en priorité les enfants musulmans, dont les familles n’ont pas de lieu pour transmettre l’islam comme héritage culturel. »

[Le rectorat] pointe un grand absent dans le jeu qui s’ouvre à la préfecture : les Églises reconnues.

[Il] explique que légalement, l’initiative d’un nouvel enseignement musulman ne peut revenir qu’aux autorités religieuses reconnues en Alsace-Moselle, qui présentent leurs programmes et leurs enseignants au Rectorat à chaque printemps pour validation lors d’une très locale « conférence des autorités religieuses et académiques ».

« Le Rectorat organise les cours de religion des quatre cultes reconnus et n’avons aucun droit d’y ajouter une religion supplémentaire. Nous ne bloquerons pas cette demande. Mais nous ne jouons même pas un rôle de médiateur. Le CRCM doit aller voir les autres cultes pour qu’ils fassent une place aux musulmans à l’école. »

Les Églises reconnues sont-elles prêtes à pousser jusque-là leur soutien, alors que leurs propres enseignements sont remis en question ? Elles disent n’être « pas opposées » à la mise en place d’un enseignement religieux musulman aux côtés des leurs. Elles soulignent cependant que c’est à l’État de prendre l’initiative politique. [...]"

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