Etats généraux de la laïcité (9 déc. 2006) : intervention de Philippe Foussier

président du CLR 2007

Intervention de Philippe Foussier, président du Comité Laïcité République,
aux Etats généraux de la Laïcité, organisés à l’initiative de la Libre Pensée.

9 décembre 2006, Bourse du travail, Paris.

Citoyennes, Citoyens, Chers amis,

Au nom du Comité Laïcité République, je tiens à remercier la Libre Pensée de nous avoir conviés à ces états généraux de la laïcité. Je salue les militants et les responsables d’associations laïques avec qui nous partageons souvent des combats communs. Je salue aussi le travail remarquable réalisé par la Libre Pensée au niveau local et national pour chiffrer la réalité des fonds publics attribués aux divers cultes. C’est édifiant ! Cela nous démontre l’utilité de notre action commune pour défendre la loi de 1905. Et d’abord pour défendre son application. " La République ne subventionne aucun culte ", nous dit la loi de 1905. Les élus locaux qui se mettent ainsi en contravention avec la loi de la République seraient plus crédibles, lorsqu’ils tancent des jeunes des cités qui brûlent des gymnases ou caillassent des services publics, s’ils respectaient eux-mêmes la loi.

Sur ce financement public des religions, je ne détaille pas, le Livre noir que vous avez réalisé dit l’essentiel. Et, parallèlement, on édifie ce week-end une statue monumentale de Jean Paul II à Ploërmel (Morbihan) avec des fonds publics. Je salue d’ailleurs l’action du Collectif auquel le CLR a apporté son soutien, et qui organise aujourd’hui manifestation et débats pour défendre la loi de 1905, bafouée peut être plus qu’ailleurs en Bretagne. Plus près de nous, dans la capitale, on donne le nom d’un parvis à Jean Paul II alors que l’ancien député de Paris Maximilien Robespierre n’a toujours pas de rue à son nom et qu’on ne veut pas lui en donner au motif qu’il est… " controversé " !

Depuis quelques jours, l’Eglise catholique s’illustre en menant un combat initié par les intégristes contre la recherche médicale. Là, soulignons-le, les pouvoirs publics font bloc derrière le Téléthon. Je ne suis pas sûr d’ailleurs que cela soit tout à fait innocent : cela permet de faire financer des politiques de santé publique par des fonds privés activés par la charité… Je ne sais plus, désormais, s’il faudra encore la qualifier de chrétienne…

Mais revenons à la loi de 1905. Un an après le centenaire, tièdement célébré par les responsables publics, nous voilà désormais informés du rapport Machelon. Citoyennes, citoyens, chers amis, on pense ce que l’on veut de la Commission Stasi sur la laïcité ou de la Mission Debré de l’Assemblée nationale sur les signes religieux à l’école publique. Mais au moins avaient elles le mérite d’être un minimum pluralistes. On pouvait y croiser des laïques, et même de fort recommandables : je pense en particulier à notre ami Henri Pena-Ruiz. Avec la Commission Machelon, aucun risque !

Nous avons vu au cours du siècle se succéder les lois anti laïques, sous Pétain puis ensuite avec les lois Marie-Barangé, Debré, Guermeur, Rocard, les accords Lang-Cloupet. Mais jamais une offensive aussi claire, aussi directe, à un aussi haut niveau – le ministère de l’Intérieur – n’avait été menée contre cette loi essentielle à la laïcité qu’est la loi de 1905. Et lorsqu’on sait que le commanditaire de ce rapport est candidat à l’élection présidentielle – avec quelques chances, si l’on en croit les sondés – on peut être légitimement inquiets. D’ailleurs, les conclusions du rapport Machelon sont claires : ce qui est préconisé, c’est très clairement le retour au Concordat napoléonien.

Un an seulement après le centenaire, on légitime au plus haut niveau gouvernemental la mise à mort de la Séparation des églises et de l’Etat, alors que l’urgence serait plutôt de la faire respecter, comme le démontre le Livre noir.

C’est d’ailleurs de ce même ministère de l’Intérieur que venaient il y a un an, pendant les émeutes qui ont touché nos villes, les appels aux responsables religieux pour rétablir l’ordre ! [1] Derrière cela, il y a un seul et même projet : c’est la communautarisation de la société, la fragmentation ethnique, la segmentation religieuse. Avec en prime une loi mémorielle pour tout groupe demandeur !

Je vous invite d’ailleurs à prendre connaissance du rapport Obin, du nom de cet inspecteur général de l’Education nationale qui a dirigé un rapport officiel sur le poids, sur la réalité, de l’emprise religieuse à l’école publique. Un rapport censuré rue de Grenelle et que vient de publier l’éditeur Max Milo. L’apartheid, il se fait dès la maternelle, des robinets distincts pour se laver les mains aux tables séparées selon les menus des enfants… A l’école publique, on conteste non seulement les cours d’éducation physique et d’histoire mais aussi ceux de sciences naturelles et de français. Cela se passe en 2006, en France !

Mais, n’est-ce pas, on nous invite à respecter les " cultures ", à faire s’exprimer les différences, à encourager la " diversité ". C’est sans doute pour cela que les mariages forcés se multiplient, que les crimes " d’honneur " se répètent, que les excisions de gamines se poursuivent et que la polygamie continue à se pratiquer sous nos latitudes avec une bienveillance incompréhensible. La lutte des femmes pour leur émancipation depuis des décennies n’aura t-elle servi qu’à celles qui résident dans les beaux quartiers ? Pour les autres, au nom du respect des cultures, c’est l’ordre patriarcal, obscurantiste, liberticide, attentatoire à l’intégrité et à la dignité. Est-ce supportable ?

Sur ces sujets, en l’espèce, c’est l’ordre religieux invoqué au nom de l’islam qui est en cause. Celui qui tue Theo Van Gogh, celui qui menace Ayan Hirsi Ali [2], celui qui censure les journaux qui osent publier des caricatures du Prophète [3], celui qui oblige un professeur de philosophie – Robert Redeker – à se cacher en France parce qu’il est menacé de mort [4].

Alors il faudrait faire usage de précautions oratoires pour parler de certaines religions ? Nos prédécesseurs ne s’embarrassaient pas de circonlocutions jésuitiques pour qualifier les choses. Qu’il soit habillé en curé, en imam, en rabbin, en pasteur, le cléricalisme, voilà l’ennemi ! Pas de hiérarchie !

D’ailleurs, nous serions assez imprudents de nous laisser aller à un classement. Car eux, eux tous, ils savent très bien gommer leurs différences quant il s’agit de combattre la laïcité !

Citoyennes, citoyens, chers amis, il nous faut tenir bon. Tous ceux qui, dans le monde, luttent contre l’obscurantisme, l’intégrisme, le cléricalisme, ont besoin que nous ne lâchions rien. Depuis 1789, qu’on s’en réjouisse ou qu’on le déplore, la France est un modèle pour beaucoup. Les signaux que nous donnons, ils ont un écho en Amérique latine, en Afrique, au Maghreb, en Asie. Et en Europe même. Un exemple, un seul, pour conclure. En 2004, la France était dénoncée comme liberticide – rien de moins ! – parce qu’elle légiférait sur les manifestations vestimentaires religieuses à l’école publique. En Grande-Bretagne, aux Pays Bas, aujourd’hui, on se rend compte que cette avancée laïque a permis de rappeler quelques sains principes.

Plus que jamais, notre combat pour la laïcité a un sens.

C’est l’émancipation des citoyens, c’est la liberté de conscience qui en dépendent !

Vive la République ! Vive la laïcité !


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