Election présidentielle et élections législatives 2017

Elections 2017 Positions du Comité Laïcité République (CLR, 17 av. 17)

17 avril 2017

Le Comité Laïcité République agit de façon résolue pour l’application d’une laïcité garante de la liberté de conscience, de l’émancipation et de l’autonomie de chacun.

Le CLR s’inscrit dans la filiation des idéaux des Lumières, de l’Histoire républicaine et de leurs grands principes, la liberté de conscience et l’égalité en droit pour tous les citoyens. Ces idéaux sont ceux de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, de la Loi de séparation des Églises et de l’État de 1905, du préambule de la Constitution de la Ve République, qui établit l’égalité entre hommes et femmes et qui stipule dans son article premier que la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale.

Ces textes constitutionnels et juridiques ont bâti une laïcité inspirée par une philosophie de la liberté, qui s’est diffusée dans notre société pour devenir un élément fondateur de notre lien social, partagé par l’immense majorité du peuple français. Comme le dit notre Constitution, c’est la France qui est une République laïque, et non uniquement l’État, car elle est historiquement toute imprégnée de ce principe.

Le communautarisme s’est invité au cœur de la campagne présidentielle, pas la laïcité. Plutôt que de défendre et d’illustrer ce principe, fondateur de la citoyenneté et de la fraternité des Français libérés des contraintes et des pressions de leurs diverses origines, plutôt que de conforter la libération des esprits et le refus de l’assignation à résidence identitaire, les candidats susceptibles d’être au second tour, peu ou prou, ignorent, mettent en cause ou travestissent la laïcité. Ils en font un argument électoral parmi d’autres, loin de ce qu’elle est, le cœur de notre vie commune.

L’extrême droite, qui défend depuis toujours une identité blanche et catholique, tente de s’emparer de cette belle idée, pour la pervertir et l’asservir à sa politique xénophobe et réactionnaire. La préférence nationale est tout le contraire de la laïcité, car elle abolit le principe d’égalité devant la loi indépendamment de la couleur, de l’origine, de la religion. La laïcité ainsi détournée nourrit les haines identitaires. Ceux dont les ancêtres maurrassiens ont rejeté de toutes leurs forces la loi de séparation de 1905, tout fait pour préserver la domination de l’église catholique sur la société et attisé la violence contre la séparation, ceux-là même qui sont les héritiers des pires ennemis de l’école publique et de l’émancipation, ne peuvent se présenter comme les défenseurs de cet idéal libérateur et fraternel.

Ces idées s’insinuent dans une partie de la droite qui a trop tendance à confondre laïcité et France catholique ou coexistence des religions. N’a-t-on pas entendu, lors du débat télévisé de la primaire de la droite et du centre, deux prétendants s’opposer pour savoir lequel incarnait le mieux la parole papale ? Et les mêmes que la vue d’une prière de rue musulmane indigne à juste titre, disent-ils un mot contre les illuminés qui se jettent à genoux devant les centres d’IVG en implorant leur dieu ? Sous couvert d’héritage culturel, ne défendent-ils pas la présence de crèches de la nativité dans les mairies, image pieuse du christianisme par excellence ?

L’extrême gauche, à quelques exceptions notables, a rejeté et combat désormais la laïcité, au nom d’une conception dévoyée de la lutte des classes. Les ouvriers, moteur selon Marx de la transformation sociale, sont remplacés à leurs yeux par une figure abstraite de l’immigré, sans nation, transgressant les frontières, justifiant un droit à la différence qui confine à la différence des droits et promettant notre société à l’éclatement du multiculturalisme. Il en découle que de prétendues féministes en viennent à défendre le port du voile, signe de l’asservissement et de la minoration de la moitié de l’humanité. Et ce, alors que les activistes islamistes tentent d’y obliger toutes les femmes d’origine ou de culture musulmane, comme première étape indispensable à leur projet d’imposition de l’islam politique.

Des Français d’origine maghrébine ou d’Afrique subsaharienne se trouvent assignés à une appartenance communautaire, à ses lois et traditions, souvent à leur caricature, alors même que leurs ancêtres politiques ont mené la lutte pour l’indépendance de leur pays et l’émancipation des individus. Pendant ce temps, les militants algériens, marocains, tunisiens, en France ou dans leur pays, se battent pour se dégager de l’emprise religieuse, comme en ont témoigné les printemps arabes. Pendant ce temps, les femmes de ces mêmes pays et de tant d’autres essaient de s’arracher au risque d’être enterrées vivantes sous des traditions patriarcales moyenâgeuses. Ce sont ceux-ci et celles-là qui meurent de vouloir clamer leur liberté.

Ce positionnement connaît un écho préoccupant à gauche. Les candidats sont tentés de flatter un vote communautaire, qu’ils ont d’ailleurs contribué à créer par leurs discours et pratiques clientélistes souvent débridés. Pire encore, nombreux parmi eux sont ceux qui croient que c’est en abandonnant la laïcité, au mieux en la mettant en sourdine, qu’ils arriveront à faire une place dans la société aux Français de religion ou de tradition musulmane. Comme si ceux-ci n’étaient pas capables de l’effort d’intégration et d’auto-libération auquel les appelle la République, ou comme si ceux, majoritaires, qui l’ont accompli devaient être renvoyés à une assignation imposée.

D’autres enfin, rêvent d’importer en France le modèle communautariste anglo-saxon, au nom d’une postmodernité qui se justifie par une pseudo-fin des utopies, des idéologies, une fin de l‘histoire où il n’y a plus de nation, de peuple, de progrès commun à envisager, renvoyant les individus aux seules identités essentialisées. C’est l’hyper-individualisme d’une bourgeoisie bien-pensante et prémunie matériellement qui serait ainsi justifié, qui trouverait sa bonne conscience dans le cadeau empoisonné du droit des minorités, pour mettre en œuvre l’adage « diviser pour régner ». Ce sont encore les mêmes qui courent à Rome, en procession d’élus, pour entendre s’exposer la pensée politique de l’église ultramontaine, foulant aux pieds la neutralité laïque et même la tradition gallicane de l’Église de France…

Notre République sociale est étroitement liée à la laïcité, car c’est l’égalité de traitement de tous devant la loi indépendamment des différences qui permet que nous soyons d’abord des citoyens unis, un peuple capable de porter nos acquis sociaux communs, et d’en conquérir de nouveau. C’est bien cela que le communautarisme ferait voler en éclats, en rendant caduque la possibilité de luttes communes à l’ensemble des membres de notre société.

Dans ce contexte, identitaires d’extrême droite et d’extrême gauche, concordataires de droite et de gauche, se confortent mutuellement et trouvent dans les positions de leurs adversaires toutes les fausses raisons de mettre à bas la laïcité. Au même moment, toutes les enquêtes d’opinion démontrent l’attachement de près de 80% des Français à l’application d’une laïcité pleine et entière.

Il est dans l’histoire des peuples des moments où certaines questions deviennent cruciales. C’est aujourd’hui le cas de la question laïque, dont l’enjeu n’est rien d’autre que la paix sociale, le devenir de la République et tout simplement, la capacité de construire ensemble une société.

La laïcité est si pleinement assimilée à la vie des Français que nous ne sommes plus toujours conscients de ses bienfaits : la liberté absolue de conscience, la liberté de la presse, l’école publique neutre et gratuite jusqu’à l’université, la santé publique neutre et accessible à tous, l’égalité entre les hommes et les femmes, la justice indifférente à la confession et à la couleur, l’armée et la police républicaines, le travail accessible aux femmes, le droit à mourir dans la dignité, la vigueur d’un débat public libéré des menaces du blasphème…

La laïcité est essentielle pour les Français ; il n’est pas surprenant qu’en ces temps inquiets, elle les préoccupe autant que la question sociale pour le choix d’un candidat. Question laïque et question sociale sont indissolublement liées. La défense de la laïcité est aujourd’hui une urgence absolue si nous voulons continuer à vivre ensemble dans un pays libre, fraternel et solidaire.

C’est pourquoi nous appelons tous les citoyens, forts de cette histoire et de cette culture humaniste, à rejeter les entrepreneurs de haine identitaire et les promoteurs de la communautarisation qui emprisonne. Nous interpellons avec vigueur les candidats républicains ainsi que nous l’avons fait en lançant le Manifeste pour la laïcité désormais signé par des milliers de citoyens et affirmons que nous ne renoncerons jamais à ce trésor de l’émancipation, de la liberté et du bien public qu’est la laïcité.

Entre la xénophobie badigeonnée aux couleurs de la laïcité, la catho-laïcité, la fascination pour le modèle communautariste anglo-saxon, les louvoiements électoralistes à base de renoncement devant les demandes communautaristes, une seule exigence : l’affirmation sans faille d’une laïcité ardente pour l’intégration et la citoyenneté de tous, l’émancipation de chacun et de chacune.


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