Revue de presse

"Diversité, des idées à l’appel" (Libération, 28 jan. 10)

1er février 2010

"Zoom sur quatre des cent propositions pour une République multiculturelle et postraciale."

"Cent propositions pour que la République rassemble et respecte mieux toutes les composantes de sa population. Voilà ce que proposent des chercheurs, des historiens, des artistes et des politiques de tous bords pour que la France bleu-blanc-rouge ajoute des couleurs à son drapeau. [...] Parmi ces 100 idées qui rappellent des droits essentiels, des lois votées mais jamais appliquées, des leviers économiques qui tardent à montrer leurs effets, Libération en a choisi quatre emblématiques des conflits entre les besoins d’équité et la réalité de la Constitution, et a demandé à des experts la faisabilité de ces idées.

  • Contrôles d’identité

La proposition de Suzanne Bellnoun, membre du Cran (Conseil représentatif des associations noires), s’appuie sur l’étude du sociologue Fabien Jobard. Lors d’une enquête commandée par l’institut américain Open Society, il a démontré que les forces de l’ordre ciblaient lors des contrôles d’identité 6 à 8 fois plus « les Noirs et les Arabes » dans des lieux de passage, tels que les Halles et la gare du Nord à Paris. D’autre part, dans les quartiers populaires, les jeunes se plaignent souvent d’être contrôlés plusieurs fois dans la même journée. Suzanne Bellnoun propose donc « que le citoyen contrôlé reçoive obligatoirement une attestation où figurent le matricule du policier et le motif du contrôle. Ceux s’estimant harcelés pourraient désormais le prouver. Les policiers aux pratiques abusives seraient identifiés et rappelés à l’ordre, afin que leurs dérives ne jettent pas le discrédit sur toute l’institution policière ». Pour Yannick Danio, du syndicat Union SGP-Unité Police, classé à gauche, ce dispositif serait difficile à mettre en place, représenterait une lourdeur administrative supplémentaire et retarderait la police dans sa mission. [...]

  • La banlieue au Sénat

Pour « réconcilier l’identité républicaine et la pluralité », Benoît Thieulin, directeur général et cofondateur de la Netscouade, propose de faire entrer des élus des banlieues au Sénat. [...] « Alors pourquoi ne pas réfléchir à un moyen de surreprésenter ces territoires et ces populations mal défendues dans nos institutions ? Une mesure constituerait à attribuer 30 postes de sénateurs pour représenter ces zones, non plus par l’élection mais par tirage au sort sur les listes électorales des banlieues. La stochocratie inventée par les Grecs paraît étrangère à notre culture démocratique. Pas tant que ça : sait-on que ceux "qui rendent justice au nom du peuple" [les jurés des assises, ndlr] sont désignés par le même mécanisme. » Pour Guy Carcassonne, spécialiste du droit constitutionnel, il faudrait une révision de la Constitution, car elle stipule que le Sénat est élu au suffrage indirect, donc si on change le mode d’élection, il faut que cela passe par une révision des textes : « De plus, poursuit-il, je ne suis sûr pas que ce soit envisageable, car il faut l’accord du Sénat, et ce dernier est conservateur de toute façon. » [...]

  • Profil des journalistes

Nordine Nabili, directeur de l’école supérieure de journalisme (ESJ) de Bondy, propose de généraliser l’expérience qu’il mène depuis la rentrée en Seine-Saint-Denis pour changer le profil des médias : « Parce qu’ils parlent à tout le monde, les journalistes doivent être représentatifs de la diversité de la société française. Malheureusement, la sélection à l’entrée des écoles de journalisme fonctionne comme un plafond de verre. L’ESJ Lille et le Bondy Blog ont créé une classe préparatoire aux concours des écoles de journalisme ouvertes à des jeunes diplômés de l’université, issus de familles à revenus modestes. » Edith Rémond, de l’Institut de journalisme de Bordeaux (IJBA), une des treize écoles de journalisme conventionnées et une des rares à ouvrir leur recrutement dans les DOM-TOM, regrette déjà la multiplication des classes préparatoires privées pour les écoles de journalisme : « C’est une calamité absolue pour nous, tranche-t-elle. Leurs étudiants sont des bêtes de concours mais pas forcément les candidats qu’on cherche, puisqu’on veut des gens avec des cursus atypiques, des centres d’intérêts véritables qu’ils veulent mettre au service de la profession. » Anciennement institut universitaire de technologie (IUT), l’IJBA avait la possibilité de recruter des profils différents grâce à son année spéciale, mais celle-ci a été supprimée en 2006, et aujourd’hui en recrutant après la licence, Edith Rémond déplore que l’université ait déjà fait son écrémage. L’enseignante trouve également que les médias ont beau jeu de reprocher aux écoles de journalisme leurs difficultés à s’ouvrir à la diversité et de leur faire porter toutes les difficultés d’emploi d’un secteur : « Je suis obligée de constater qu’après les stages les entreprises fidélisent et sédentarisent les étudiants les plus lisses, les plus conformes à leur image. Ils jouent la sécurité et choisissent des gens qui leur ressemblent. »

  • Une diplomatie représentative

Pascal Boniface, de l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), fait un parallèle entre l’image donnée par les Bleus et celles de nos diplomates à l’étranger. « Equipe de France de football : 11 places. Ambassades françaises : 166. Les représentants de ce qu’on appelle la diversité sont plus nombreux dans la première que dans les secondes. Où est l’erreur ? Il faut une démarche volontariste d’ouverture en réservant un pourcentage des postes d’ambassadeur qui soient attribués aux éléments brillants des membres de la diversité qui ont déjà réussi dans la société civile. » Au ministère des Affaires étrangères, son porte-parole Bernard Valero invite Pascal Boniface à consulter l’annuaire diplomatique car, selon lui, la diversité y est déjà une réalité et d’ajouter : « Si on veut avoir une politique volontariste, il faut changer les règles de la fonction publique. » Au ministère du Budget, on dit déjà s’y employer tout en rappelant que les ambassadeurs sont nommés en Conseil des ministres : « 1 000 allocations de 2 000 euros sont attribuées tous les ans, soutient Pierre-Antoine Lachal, du cabinet d’Eric Woerth, pour aider les plus défavorisés à préparer les concours. Des classes préparatoires intégrées à l’ENA, à l’Ecole des finances et des douanes ont été mises en place. De plus, nous titularisons des étudiants en alternance dans la fonction publique. »"

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