Contribution

Chronique d’un temps triste et troublé (J.-P. Sakoun)

par Jean-Pierre Sakoun, président du Comité Laïcité République. 25 septembre 2020

Depuis le 3 septembre, le procès des assassins de Charlie, de Montrouge et de l’Hypercasher de Vincennes, déroule jour après jour sa déchirante litanie de douleur, de tristesse et d’incompréhension, suscitant notre sidération. Mais il nous fait aussi voir une immense dignité, celle des victimes de l’obscurantisme et de la barbarie islamiste.

Pendant ce temps, des municipalités de plus en plus nombreuses semblent avoir perdu toute mesure en piétinant la Constitution et la loi de Séparation. Celle-là invente un adjoint aux cultes, celle-ci désigne des délégués aux différentes communautés religieuses, une autre pose la première pierre d’une mosquée, une autre encore ouvre les salles municipales aux manifestations religieuses ; une dernière finance des projets d’édifices cultuels au prétexte d’une activité culturelle qui tient dans un dé à coudre… Les exemples sont hélas presqu’infinis de ces contournements ou de ces manquements volontaires à la loi.

Pendant ce temps encore, la presse bruit de rumeurs sur le contenu du projet de loi sur le séparatisme, égrenant plusieurs propositions affaiblissant la loi de Séparation du 9 décembre 1905, en donnant à l’État un rôle de labellisation des cultes et en reculant sur leur financement.

On apprend encore, au fil des entretiens télévisuels donnés par l’inspecteur général honoraire de l’Éducation nationale Jean-Pierre Obin, à l’occasion de la sortie de son indispensable livre, Comment on a laissé l’islamisme pénétrer l’école, qu’il y a quelques années, un proviseur fut sanctionné par un rectorat pour avoir voulu faire respecter la loi de 2004 protégeant les élèves de l’irruption du religieux à l’école, rectorat qui prit, contre ce chef d’établissement, le parti d’un parent d’élève militant islamiste connu, surveillé par les services de renseignements français…

Et comme toujours, la pression des idiots utiles s’abat sur tous ceux qui osent considérer le hidjab comme un signe d’inégalité, d’oppression, d’humiliation des femmes et qui sont traités de racistes ou d’islamophobes… Comme le dit Abnousse Shalmani sur LCI le 23 septembre « le voile sera un choix le jour où il n’y aura plus un seul pays où il est obligatoire. En attendant c’est un linceul pour les femmes ».

Depuis les années 80, le travail de terrain patient, ostentatoire, de l’islam politique a imposé ses codes vestimentaires, ses codes alimentaires, ses codes comportementaux et verbaux, a perturbé les enseignements et le climat scolaire de très nombreuses écoles, a insufflé une ambiance de pré-guerre civile dans certains quartiers. Depuis la Loi Debré de 1959, la brèche ouverte dans le mur de la séparation scolaire s’est élargie et l’école de la République continue de souffrir sous les assauts de ses adversaires de toujours. Les thuriféraires de l’école confessionnelle ont conduit la République à organiser et à financer la concurrence contre sa propre école et des enseignants entichés de thèses pédagogistes la vident de son contenu citoyen.

Alors, oui, aujourd’hui, quand, malgré le décrochage de plus en plus préoccupant d’une forte minorité de moins de 35 ans, le peuple français continue à affirmer massivement et obstinément sa laïcité, son sécularisme, son refus de permettre aux cultes de reprendre pied dans l’espace public, quand il demande que se lève avec sévérité et sans faiblesse l’autorité républicaine, quand les membres de la rédaction de Charlie ou Zineb El Rhazoui doivent se cacher pour éviter d’être assassinés par les amis des idiots utiles, quand d’autres journaliste sont attaqués sauvagement au hachoir de boucher sur les lieux mêmes de la tuerie de Charlie, quand des jeunes femmes en jupe sont agressées dans nos rue par des pervers et des frustrés nourris au lait de l’obscurantisme et du machisme, quand Mila se fait insulter par un lamentable animateur de show télévisé, nous avons le devoir impérieux de rappeler que la liberté, l’égalité, la fraternité, la laïcité sont nos armes. Elles ne tuent pas, elles émancipent.

Nous sommes Charlie. Plus que jamais.

Jean-Pierre Sakoun



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