Revue de presse

C. Guilluy : « Ce n’est pas au peuple d’écouter les prescripteurs d’opinion, mais l’inverse » (lefigaro.fr/vox , 20 déc. 18)

Christophe Guilluy, géographe, auteur de "No Society" (Flammarion). 23 décembre 2018

[Les articles de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"[...] Il est symbolique qu’à quelques exceptions près, ce mouvement social n’ait pas reçu le soutien massif du monde des arts et du show-business. C’est très révélateur d’une fracture historique entre les milieux populaires et le monde d’en haut. [...]

Les tentatives de délégitimisation que j’évoquais n’ont eu aucun succès. Le mouvement a continué à être soutenu très majoritairement par l’opinion qui y voit pour la première fois un mouvement représentatif de l’état réel du pays. Dans ce sens, et quelle que soit son issue, on peut déjà dire que le mouvement des « gilets jaunes », et des classes populaires, a gagné sur l’essentiel : la bataille des représentations culturelles. Ces frondeurs inversent les notions de pouvoir et de puissance, en démontrant que le peuple n’a pas disparu. C’est le mouvement réel de la société.

Les aspirations des « gilets jaunes », leurs demandes ne peuvent pas être écartées, car l’enjeu n’est pas l’intégration des marges de la société, mais celle de la société tout entière. Demandes d’intégration économique par le travail mais aussi de préservation d’un capital social et culturel sont désormais sur la table. On ne pourra plus les éluder. C’est ça le soft power des classes populaires. Elles n’écoutent plus ni partis, ni prescripteurs d’opinions. Ce sont à eux qu’il appartient d’écouter ouvriers, employés et petits agriculteurs. [...]

Vous jugez qu’il est établi de longue date que l’importance des flux migratoires est au cœ œur des préoccupations des Français. Regrettez-vous que la question ait été exclue du débat national qui s’annonce, contrairement à l’annonce initiale d’Emmanuel Macron ?

Une enquête récente de la Fondation Jean-Jaurès consacrée à la perception de l’immigration confirmait ce que l’on sait depuis des décennies à savoir que la majorité de la population est favorable à l’arrêt de l’immigration. Cette opinion est majoritaire quelles que soient les catégories sociales et les pays considérés, de la Chine au Brésil, de l’Algérie à Israël. Il n’y a guère qu’en Europe de l’Ouest, que les dirigeants se caractérisent par une si grande irresponsabilité sur cette question.

En réalité, en France, si ce débat est très clivé politiquement et idéologisé, il y a consensus dans la population - singulièrement dans les milieux populaires et, soulignons-le, quelle que soit l’origine des individus. Cette opinion n’est pas celle du « petit Blanc », mais celle du « petit » qu’il soit blanc, noir, maghrébin, qu’il soit catholique, juif, ou musulman. Bref, c’est l’opinion de ceux qui n’ont pas les moyens, contrairement aux catégories supérieures, d’instaurer une frontière, invisible mais bien réelle, avec l’Autre. Ils aspirent au contraire à une stabilisation de leur environnement. Qu’on le veuille ou non la régulation des flux se fera, car elle repose sur le mouvement réel des sociétés et une volonté majoritaire, celle de préserver son capital social et culturel."

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