Note de lecture

C. Baudouin et O. Brosseau : Les dessous politiques du créationnisme

par Claude Ruche 20 juillet 2014

Cyrille Baudouin et Olivier Brosseau, Enquête sur les créationnismes, Belin, 336 p., 21,50 €.

Autant le dire tout de suite, l’on ne sort pas indemne de la lecture du livre Enquête sur les créationnismes de Cyrille Baudouin et Olivier Brosseau (éd. Belin). Construit comme un roman, les auteurs nous tiennent en haleine du début à la fin en nous entrainant dans une saga politico-religieuse à l’échelon de la planète.

Extrêmement bien documenté, cette enquête mêle tous les éléments qui font les bonnes histoires : politique, sciences, pouvoir, argent, manipulations, médias, Internet. Sans jamais remettre en cause ni la liberté de croyance, ni la liberté d’expression, elle dénonce le rôle politique joué par les institutions religieuses qui prétendent s’appuyer sur des arguments scientifiques pour promouvoir des positions religieuses au niveau politique.

Des Etats-Unis, à la Turquie, de la France à la Roumanie en passant par le Royaume Uni, Baudouin et Brosseau décortiquent méthodiquement toutes les organisations créationnistes en révélant les fondements de leurs idéologie, leurs histoires, le parcourt de leurs dirigeants, leurs réseaux, leurs stratégies de communication, leurs sources de revenus. L’on en ressort groggy en constatant que les mouvements créationnistes ont réussi leur jonction et s’inscrivent, désormais à l’unisson, dans une « gigantesque entreprise » de prosélytisme ayant pour objectif d’introduire le religieux dans la gouvernance des sociétés postmodernes, au prix parfois, d’alliances contre nature.

Ce qui rend ce livre passionnant vient du fait qu’il est construit comme un puzzle qui amène progressivement le lecteur à prendre conscience des objectifs politiques des différentes offensives créationnistes contre la raison et l’esprit critique, car l’angle d’attaque de toutes ces organisations est la remise en cause pseudo scientifique de la science. Les véritables enjeux apparaissent graduellement et l’on comprend aisément que la remise en cause ne concerne pas l’acceptation de la théorie de l’évolution ou de l’ancienneté de la terre, mais le rejet des valeurs morales qui sont associées à la théorie darwinienne. Les auteurs précisent que les créationnistes la perçoivent comme le symbole d’un combat contre la spiritualité dans des contextes où un certain « déclin des valeurs » justifierait un retour de la religion comme sparadrap moral. Et ils ajoutent que dans plusieurs pays européens, il y a une connivence entre pouvoirs politiques et représentants des confessions religieuses pour attribuer un rôle politique à la religion.

Sur ce point précis, il est dommage que Baudouin et Brosseau n’aient pas eu le temps ou le courage de dénoncer la collaboration active de certains universitaires comme Jean Baubérot ou Jean-Paul Willaime qui, par leur écrits et contributions diverses sont les alliés objectifs des différents courants créationnistes dans leur tentative de conquête du pouvoir politique. Cela aurait permis de mettre en lumière la position pour le moins ambigüe de la Commission européenne et du Conseil de l’Europe sur le rôle que les religions sont censé jouer dans le « réenchantement » des sociétés [1].

Quoi qu’il en soit, cet ouvrage est un outil de réarmement intellectuel des citoyens et à ce titre, il doit être considéré comme un livre de référence de tous ceux qui œuvrent pour sauver ce qui nous reste de raison et d’esprit critique [2].

Claude Ruche

[1Voir à ce propos Jean-Paul Willaime, Le retour du religieux dans la sphère publique, vers une laïcité de reconnaissance et de dialogue, Ed. Olivétan, 2008.

[2Merci à Patrick Kessel d’avoir attiré notre attention sur ce livre.


A la demande d’Olivier Brosseau, voici le lien du site de présentation du livre : www.tazius.fr/les-creationnismes.


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